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[BIR] Dernières lueurs de février.

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[BIR] Dernières lueurs de février. Empty [BIR] Dernières lueurs de février.

Message par Anaïs de Lugnan-Vellini Jeu 5 Jan - 17:13

Être mère n'est pas toujours une tâche aisée. Il faut être constamment attentive, constamment en forme, et quand vous avez deux enfants, il faut être deux fois plus attentive et deux fois plus en forme. Sans compter qu'il faut aussi veiller à ne pas favoriser un enfant plutôt qu'un autre, sous peine de se retrouver avec des crises de jalousie et des reproches bien des années plus tard. Mais être une mère enceinte, c'est une misère, un chemin de croix. A toutes ces petites choses du quotidien s'ajoutent les douleurs, la fatigue et la désagréable impression que les jours ne s'écoulent pas assez vite, que les semaines n'en finissent pas et que parler de « mois » revient à évoquer l'éternité.

Telle était la réflexion que se faisait Anaïs du fond de son lit, en cette nuit de février où, une fois de plus, elle ne pouvait trouver le sommeil. Yvain, lui, n'avait pas ce problème. Il dormait comme un bébé, à poings fermés et rien ne pouvait troubler sa nuit. Quelle chance. À six mois de grossesse, Anaïs rêvait de dormir comme lui, de ne pouvoir se soucier de rien. En vérité, ce n'était pas son esprit qui l'empêchait de dormir, mais bien son corps qui semblait en grève. Dès lors, elle occupait ses insomnies à réfléchir, à imaginer ce qu'elle allait pouvoir faire une fois le jour levé. Cette fois, à en croire la tempête de neige qui sévissait dehors, il était fort probable que la journée du lendemain consisterait à rester à la maison. Ce n'était pas pour déplaire à la Lugnan-Vellini qui trouvait cet hiver tout aussi interminable que sa grossesse. Rester au chaud et ne rien faire de la journée était donc le meilleur programme qu'elle pouvait prévoir. En revanche, ce qui la chagrinait, c'était ce vent sifflant, ces rafales qui léchaient les vitres et faisaient violemment danser la cime des arbres. Depuis son lit elle ne voyait pas grand-chose à la fenêtre, juste le ciel sombre et la neige qui s'agglutinait dans les coins des carreaux et bloquer les portes en bas.

Comme lors de chaque tempête, Anaïs s'attendait à entendre des mouvements ou des pleurs depuis la chambre de Georges et Wilgeforte. Georges n'était pas particulièrement peureux et semblait s’accommoder de tout mais Wilgeforte n'avait pas l'air de se faire aux violentes bourrasques qui pouvaient parfois frapper Biriatou. Et en mère expérimentée, Anaïs eut raison. Au bout d'un moment, des sanglots se firent entendre, puis des pleurs francs et enfin les protestations de Georges qui, tout comme son père, détestait qu'on trouble son sommeil. Yvain, quant à lui, dormait toujours et ne bougea que vaguement pour changer de position. La jeune femme s'apprêtait à en profiter pour le réveiller et lui dire d'aller consoler sa fille, mais elle se ravisa. Puisqu'elle n'arrivait pas à dormir et qu'être allongée pour ne rien faire avait une certaine tendance à l'exaspérer, elle décida de se lever et d'aller voir ce qui se passait, même si elle savait très bien à quoi s'attendre.

Aussi rapidement que son état pouvait le lui permettre, elle alluma une bougie et gagna la petite chambre des enfants. Il n'y avait pas loin pour faire le trajet, mais au bout d'un moment, toute distance parcourue en état de grossesse semblait relever du défi. La porte poussée, elle trouva la cadette en larmes et Georges debout dans son lit, les cheveux en bataille et un air clairement grognon affiché sur le visage. En voyant sa mère, Wilgeforte baissa l'intensité de ses pleurs tandis que son frère en profita pour se recoucher. Que sa mère se débrouille avec la bruyante Wilgeforte, lui, il retournait dormir ! Et comme à chaque tempête, quelques mots suffirent à Anaïs pour apaiser sa fille. Non le vent n'était pas un monstre venu la dévorer. Oui il faisait du bruit mais c'était parce qu'il essayait de chanter alors qu'il chantait très très mal. Alors pour s'excuser, il faisait tomber de la neige car il savait que les petits enfants trouvaient ça très beau et aimaient jouer avec.

Après ces explications farfelues mais qui fonctionnaient très bien sur un enfant de moins de deux ans, un câlin et un dernier baiser, Anaïs borda de nouveau la petite et sortit de la chambre, certaine que tout redeviendrait silencieux à présent. Bougeoir à la main et afin de ne réveiller personne, elle avançait à pas de loup dans le couloir quand une douleur vive la fit se plier en deux. Cette douleur, elle venait de son ventre. Et elle ne cessait pas. Pire, elle s'accentuait, la forçant à poser son bougeoir sur le sol et à s'agenouiller, faute de pouvoir se soutenir plus longtemps debout sur ses jambes. Le mal était si intense qu'elle mit quelques secondes à remarquer qu'elle venait de pousser un cri. Puis un silence, et de nouveau des pleurs venant de la chambre des enfants qui avaient dû être réveillés et effrayés, non pas par le vent cette fois-ci. Yvain, lui, dormait encore, et c'était bien là tout le problème. Anaïs avait besoin de lui. Nul doute qu'elle accouchait, elle ne pouvait qu'être qu'en train d'accoucher pour avoir si mal. Non, c'était trop tôt. Non, elle souffrait trop et de façon trop soudaine pour que… Inquiète, elle regarda sa robe de nuit et vit qu'elle était humide. Mais elle n'avait pas perdu les eaux. Elle saignait.


- YVAAAAAAAAAAIN ! finit-elle par hurler.

Peut-être entendrait-il enfin quelque chose. Elle n'était qu'à une toute petite poignée de mètres de la porte entrouverte de leur chambre. Il devait se réveiller, il devait l'aider. Elle n'arrivait plus à bouger, tétanisée par la peur, par la douleur et ce sang qui coulait de plus en plus. Il fallait qu'il se lève, au moins pour sauver leur enfant à naître, se disait-elle dans un flot de pensées incohérentes provoqué par la panique. Alors qu'au fond d'elle, elle savait pertinemment que cet enfant ne pouvait vivre. Six mois, c'était trop tôt. Et ce sang, tout ce sang…

Ses genoux n'arrivant plus non plus à la supporter, elle décida de s'asseoir sur le sol, adossée au mur. Elle cherchait à contrôler sa respiration, à reprendre des forces pour ramper jusqu'à la chambre. Mais la terreur grandissait à chaque fois qu'elle posait les yeux sur son ventre. De nouveau elle appela Yvain et tenta de se traîner à la force de ses bras, pour se rapprocher ne serait-ce de quelques centimètres de la chambre. Au bout d'efforts monstrueux, Anaïs s'adossa de nouveau contre le mur et tourna la tête pour voir la distance parcourue. Elle était ridicule.


- YVAAAAAIIIIIN ! cria-t-elle de nouveau, cette fois en sanglotant.

Tout était ridicule. Elle devait avoir l'air si misérable dans ce couloir à se vider de son sang, les mains sur son ventre à attendre que la douleur qui irradiait tout son corps cessât, à espérer que son enfant s'en sortirait, à prier pour la fin des pleurs de Georges et Wilgeforte. Georges l'appelait et elle ne pouvait pas se lever sur ses jambes inutiles pour aller lui dire que tout irait bien, qu'il n'avait pas à avoir peur, alors qu'elle-même était terrorisée. Élise allait avoir beaucoup de travail pour nettoyer le couloir. Et quelle angoisse pour ce pauvre Yvain… Anaïs était épuisée, n'arrivait plus à avancer. Elle venait de faire un dernier effort, comme pour ne rien regretter, pour tout tenter. Malgré ses yeux brouillés de larmes elle vit qu'elle était arrivée tout près du seuil de la chambre. Mais elle était si fatiguée, elle voulait dormir. Ce sommeil qui l'avait boudée ces derniers temps était de retour. Et si, et si elle dormait ? Elle ne s'inquiéterait plus, elle s'endormirait tranquillement, là, sur le sol, et elle ne s'épuiserait plus et peut-être que son bébé serait sauvé ? Une dernière fois elle tenta de crier pour appeler son mari à l'aide, mais sa voix était cassée, lasse et juste un son étonnamment doux sortit de sa bouche. Puis elle s'endormit après avoir prononcé le prénom de celui qu'elle chérissait tant, non plus pour appeler à l'aide, mais pour rêver et non plus vivre ce cauchemar…
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Message par Yvain de Lugnan Dim 8 Jan - 1:03

Le Lugnan peinait toujours à s'endormir. Non pas parce qu'il souffrait d'une quelconque maladie qui le rendrait plus inquiet qu'il ne l'était déjà sur son état de santé, mais simplement parce qu'il passait ses journées à méditer et à ne rien faire. Ainsi donc, puisqu'il passait le plus clair de son temps dans un état de quasi sommeil, il devenait toujours difficile de le trouver lorsque sonnait l'heure du coucher. De fait, lorsqu'il baignait enfin dans les limbes mophéennes, il était presque impossible de l'en tirer, tant il avait oeuvré pour les atteindre. La nuit d'aujourd'hui, aussi dramatique fusse-t-elle notamment à cause de la tempête qui faisait rage dehors et qui allait assurément donner bien du travail à Henri dès le lever du jour, n'échappait donc pas à cette règle et, lorsque Wilgeforte signala plus que bruyamment qu'elle était bien mécontente que le temps ne se calme pas, il ne sourcilla même pas. Pourtant, l'on pouvait clairement dire qu'il était aux petits soins pour sa fille et qu'il était prêt à tout pour elle, tant il l'avait espérée. De la laisser ainsi dans un malheur manifeste n'était donc assurément pas dans ses habitudes et s'il avait été en pleine possession de ses esprits, il se trouverait probablement déjà à son chevet. Preuve parmi les preuves que le sommeil d'Yvain n'est même plus de plomb, mais bien d'acier trempé. Cela étant dit, sa présence sur les lieux du drame aurait probablement été bien moins efficace que celle de sa divine épouse qui, malgré la douleur dont il n'avait aucunement conscience puisqu'il dormait à poings fermés, avait su trouver les mots justes pour calmer la petite.

Quelle femme merveilleuse avait-il trouvé là... Au début ils ne s'aimaient pas, il s'agissait d'un simple contrat passé entre elle et lui afin que lui puisse disposer d'une descendance, tandis qu'elle pourrait jouir d'un statut bien plus enviable que celui de vieille fille. Ils n'étaient pas destinés à éprouver un quelconque sentiment l'un envers l'autre, si ce n'est le respect naturellement dû à tout être humain digne d'être appelé ainsi. Pourtant, elle avait fourni d’innombrables efforts pour tenter d'améliorer cette morne vie qu'il avait planifiée pour eux. Elle souriait, ne se plaignait presque jamais ou en tout cas jamais sans aucune raison valable. Sauf peut être une fois, quand elle avait jalousement refusé toute gouvernante un temps soit peu jeune et jolie aux yeux d'Yvain, de peur qu'il ne succombe. Ce jour là, ils ne s'étaient pas compris, ils s'étaient emportés pour quelque chose de si dérisoire lorsqu'on y repense. Jamais il n'aurait pu imaginer vivre une vie telle qu'il la vivait actuellement lorsqu'il ruminait au fond d'un monastère en attendant que la maladie se décide enfin à l'emporter. Il avait eu de la chance. De la chance de la rencontrer elle et pas une autre. Il le savait et il chérissait chaque jour cette petite lueur de sa triste existence, oubliant bien trop souvent qu'il avait été si froid lors de leur prime rencontre. Certes il l'est toujours car peu habitué aux effusions sentimentales. Et bien que les femmes appréciaient généralement qu'on leur montrât tout notre amour, Anaïs n'en faisait jamais grand cas et restait toujours fidèle à elle même et aimante. Cette femme était si parfaite que parfois il se surprenait même à se demander s'il la méritait réellement. A chaque fois qu'il se risquait à le penser, c'était comme si elle le sentait, elle passait devant lui sans dire un mot avec son léger sourire sur le bout des lèvres et son si doux regard. Bêtement, il la regardait et lui disait simplement qu'elle était belle et retournait méditer à d'autres choses bien plus futiles.

Pourquoi fallait-il qu'il rêve d'elle à cet instant précis plutôt que d'être présent pour elle ? Pourquoi n'avait-il pas mis quelques minutes de plus à s'endormir ? Pourquoi la tempête faisait-elle rage justement aujourd'hui ? Pourquoi dormait-il comme un enfant qui vient de naître alors que son épouse était en train de crier son nom dans le couloir ? Il n'entendait rien. Ce ne fut qu'après le dernier râle d'agonie l'appelant qu'il se réveilla enfin, son corps ayant remarqué l'absence trop prolongée de la chaleur de son épouse près de lui. Il mit quelques longues et interminables secondes à émerger afin de constater qu'effectivement, son épouse avait disparu et à entendre les pleurs de ses enfants, elle ne se trouvait pas non plus dans leur chambre pour les rassurer. Encore à moitié endormi, il aperçut néanmoins la lumière émanant du couloir. Elle ne pouvait venir que du bougeoir d'Anaïs. Il fut rassuré l'espace d'une seconde, s'imaginant qu'elle s'était tout simplement levée afin de rejoindre Georges et Wilgeforte. Sa sérénité ne dura guère plus que cette seconde car force fut de constater que la lumière ne s'atténuait pas. Pris d'un élan frénétique d'inquiétude, il se précipita hors du lit, probablement même un peu trop vite car il chancela sur une courte distance avant de trouver son équilibre. Il passa la tête par la porte et ses yeux fatigués cherchèrent spasmodiquement la présence de son épouse. Dès lors qu'il l'eut dans son champ visuel, il se figea quelques instants, l'air hagard, avant d'enfin réussir à décoller ses pieds du parquet, n'ayant qu'à se pencher pour l'atteindre tant elle était près de lui.


-Merde ! Georges ! Faites taire votre soeur ! Par tous les saint ! Soyez un homme ! Bordel !

Il n'avait pas mis longtemps à remarquer les tâches de sang sur la chemise de nuit d'Anaïs, ni celles qui gisaient ci et là sur le parquet. Sans gants et vêtu de ses seuls habits de nuit, il ne prit pour une fois guère le temps de réfléchir posément à la situation ni à son propre état de santé. S'il devait mourir d'une pneumonie pour avoir osé sortir un orteil non chaussé de son lit, ce ne serait pas sans avoir tout essayé pour sauver son épouse ! Armé de son seul courage pour force, il put la porter alors qu'il aurait assurément rechigné à cette tâche en d'autres circonstances. L'esprit vide de toute considération intellectuelle, il réussit à la déposer délicatement dans le lit conjugal avant de la recouvrir avec les couvertures, comme si tout cela n'était qu'un simple mauvais rêve du quel il se réveillerait bientôt. Il déposa un baiser sur le front de sa belle comme s'il essayait de la rassurer, de lui montrer que pour une fois elle pouvait le laisser gérer cette situation et qu'il y arriverait sans jamais s'en plaindre. Toujours si peu chaudement vêtu, il dévala les escaliers à la seule lueur de la bougie restée dans le couloir et, bravant la tempête, il se rendit dans la partie annexe, là où logeaient Elise et Henri. Frigorifié mais déterminé, à peine le seuil franchi, il ne prit pas le temps d'être poli et courtois comme il l'aurait été en temps normal et ne prit même pas la peine de n'aller réveiller que celle qui l'intéressait réellement en cet instant. Ce fut d'une d'une voix forte et grave, voix dont personne n'aurait jamais pu soupçonner l'existence tant Yvain n'haussait pratiquement pas le ton lorsqu'il parlait, qu'il appela sa domestique à l'aide :

-FOUTRECUL ELISE ! VENEZ ! VITE ! MA DAME SE MEURT ! Puis plus bas, pour lui même : Pitié... Avant de revenir à une voix forte : MAIS DÉPÊCHEZ VOUS BORDEL !
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Message par Anaïs de Lugnan-Vellini Dim 8 Jan - 18:18

Pour Anaïs, il n'y avait plus d'inquiétude. Juste une immense douleur qui troublait son sommeil de temps à autre. Elle se sentait transportée, manipulée, entourée. Elle ne pouvait constater la peur qu'elle suscitait, les angoisses, les efforts des personnes qui se relayaient à son chevet. Il y avait bien des voix, mais elle ne distinguait rien. Son corps s'était mis en repos, son esprit veillait.

*

Cela dura deux jours. Deux jours durant lesquelles Anaïs alternait les moments de semi-conscience, et ceux dans lesquels elle était plongée dans un profond sommeil. Il lui était arrivé de s'agiter, d'appeler son bébé, de gémir de douleur. Sans s'en rendre compte. Elle n'avait pas vu Yvain sortir de la maison en pleine tempête de neige pour chercher Henri et Élise. Elle n'avait pas vu Élise arriver auprès d'elle. Elle n'avait pas vu l'urgence, les premiers soins prodigués par cette vieille femme qui savait procéder à un accouchement simple mais dont les connaissances médicales étaient trop limitées. Il n'y avait de toute façon plus d'enfant à sauver.

Élise s'était néanmoins démenée, avait fait appel à sa réflexion, à sa logique. Elle n'avait pas eu le choix, aucun secours n'aurait pu arriver à temps. En désespoir de cause elle avait tout de même envoyé Henri au village, mais la neige et le vent l'avaient rapidement contraint à rebrousser chemin.  La maison Lugnan était plus que jamais coupée du monde et Élise avait rapidement constaté que la fièvre s'était emparée de la dame de Biriatou. Le corps est fascinant, il sait se révolter contre toutes les anomalies auxquelles il peut être confronté. Mais dans le cas d'Anaïs, c'était un danger considérable. Ironiquement, la neige fut utile pour abaisser la température de la malade. Temporairement seulement. Son état était préoccupant mais Élise s'était bien gardée de baisser les bras alors qu'elle savait que la situation n'allait sûrement pas s'améliorer. L'enfant mort-né avait certes pu être extrait grâce au sang-froid de la domestique, mais Anaïs avait perdu trop de sang et la fièvre qui la dévorait de l'intérieur ne faisait que l'affaiblir.

Élise ne comptait plus que sur un miracle et dès qu'elle avait cinq minutes pour souffler, elle les consacrait à la prière, laissant le pauvre Yvain veiller seul sur son épouse. Henri était quant à lui prié de garder les enfants qui, bien que petits, avaient compris que quelque chose était anormal. Il leur arrivait de pleurer, de demander à voir leurs parents, mais on leur répondait que ce n'était pas encore possible. « Plus tard ».
Les heures passant, le silence avait chassé l'agitation. A partir du deuxième jour on s'était mis à murmurer, comme si cela pouvait permettre de sauver Anaïs. Cette dernière ne gémissait plus beaucoup, ni n'appelait plus personne et si cela pouvait être bon signe, il suffisait de regarder son visage perdre ses quelques couleurs pour comprendre qu'elle ne pouvait aller mieux.

Néanmoins, en fin d'après-midi, Anaïs s'éveilla, doucement. Comme après un très long sommeil, il lui fallut quelques instants pour ouvrir les yeux. Quelques instants qui lui parurent doux, et puis rapidement revinrent les douleurs que ce corps lui faisait infliger. Ses yeux plus clairs que jamais tombèrent sur le visage épuisé et inquiet d'Yvain. Puis elle vit Élise. Lentement elle cligna des yeux, se sentant affreusement mal puis reporta son attention sur son mari.


- Yvain… murmura-t-elle simplement d'une voix brisée.

Elle était assoiffée, et Élise semblait l'avoir compris car elle s'empressa de servir un verre d'eau. D'un geste de la main, Anaïs le repoussa. Elle venait de se rappeler. La douleur, le sang qui ne cessait de couler, les appels au secours, et le bébé. C'était tout ce qui l'importait à cet instant précis.


- Le bébé… ? demanda-t-elle simplement. Mais les visages ne pouvaient la tromper et les rares images qui lui revenaient de cette terrible nuit ne laissaient présager rien de bon le concernant.

Quelque chose se brisa. Elle souffrait, elle était épuisée, et son enfant était mort. Anaïs sanglota, mais aucune larme ne coula sur ses joues. Elle détourna simplement la tête du côté opposé à celui où se trouvait Yvain, comme honteuse de ne pas avoir pu donner naissance à cet enfant. Elle voulait pleurer, hurler, dire à quel point elle était désolée, que c'était injuste, mais elle n'en avait pas la force. La jeune femme resta alors quelques minutes à regarder dans le vague. Non, elle n'avait plus de force. Il lui était arrivée de s'affaiblir, de souffrir, mais jamais elle ne s'était sentie si mal, si faible, si inutile. Pour en juger, elle essaya de lever son bras gauche, en vain. Il s'éleva de quelques centimètres puis retomba inerte sur le lit. La tête lui tournait, mais elle s'efforça de regarder à nouveau Yvain. Peut-être qu'il lui pardonnerait. Il le fallait.

- Je meurs...n'est-ce pas ?

Elle avait dit ça simplement, et pourtant ces mots semblaient si violents. Elle fixa Yvain mais ne put attendre sa réponse. Une fois de plus, son visage en exprimait bien assez. Anaïs écarquilla les yeux et cette fois-ci, elle fondit en larmes. Paniquée par la mort, paniquée par cette absence d'espoir sur le visage d'Yvain et au fond d'elle-même. Elle ne voulait pas mourir, pas tout de suite. Elle avait tant de choses à accomplir ! Et Yvain ? Et les enfants ? N'y avait-il donc rien à faire ?

Anaïs pleura de longues minutes au creux de son lit, recroquevillée comme pour se protéger de la Mort qui venait la chercher. Puis elle se calma. Non, il n'y avait plus rien à faire, elle le sentait. Elle pouvait à peine bouger tant elle était épuisée. A quoi bon ? Les yeux rougis par des larmes qui, bizarrement, redonnaient un peu de vie à ce visage mourant, elle prit la main d'Yvain et s'adressa à lui en murmurant :


- Il me reste donc peu de temps… il faut que je règle quelques petites choses… pouvez-vous m'aider ?

Elle ferma les yeux, tentant de réfléchir autant que la fièvre pouvait le lui permettre. La dame de Biriatou se mourait mais il lui était inconcevable de partir sans mettre en ordre ses affaires. Ce qu'elle commençait, elle le terminait, même si cela devait puiser dans ses dernières forces. Enfin, elle rouvrit les yeux et reprit à l'attention d'Yvain :

- Pouvez-vous...écrire...ce que je vais dicter ? Ensuite il faudra, elle soupira comme si chaque mot prononcé était un supplice, qu’Élise et Henri soient tous les deux...présents. Et j'aimerais voir ensuite...nos si chers enfants…

A l'évocation de Georges et de Wilgeforte, sa vision se brouilla de nouveau de larmes et elle sanglota quelques secondes avant de se reprendre, consciente que chaque minute lui était à présent précieuse.

- Et enfin vous...tout seul.

Elle demanda à ce qu'on l'aide à boire, puis, à nouveau elle ferma les yeux. Pour s'éviter de nouvelles larmes, pour s'économiser en attendant qu'Yvain prépare de quoi écrire ses dernières volontés et pour continuer à réfléchir tant qu'elle le pouvait encore.
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Message par Yvain de Lugnan Mar 17 Jan - 2:30

S'il était habituellement comparable au chat, montrant son affection uniquement lorsque cela lui chantait, restant seul et distant le reste du temps, et somnolant plus ou moins toute la journée, depuis deux jours il était plutôt comparable à la girafe, passant son temps à veiller à ce que tout aille au mieux et ne dormant que très peu sur de courtes périodes. Certes il était épuisé de s'infliger une modification aussi drastique de son mode de vie. Certes il avait une furieuse envie de tout envoyer balader pour retourner s'asseoir dans son fauteuil pour méditer sur des choses inutiles de la vie. Pourtant il ne bougeait pas du siège qui avait été installé au chevet de son épouse. En désespoir de cause, il s'était rapidement décidé à se tourner quelques instants, le temps de faire parvenir une lettre à sa belle-soeur. Elise n'avait rien d'un médecin même si elle n'avait pas failli depuis qu'il était venu la quérir en pleine nuit. Malheureusement Biriatou n'avait pas la chance d'en disposer non plus, sa seule et dernière chance de sauver Anaïs était donc Astride et il ne comptait pas la laisser passer. Il espérait seulement que la neige ne l'empêcherait pas de venir le plus rapidement possible.

Près d'elle, les secondes semblaient se transformer en minutes, et les heures devenaient interminablement longues. Lui qui d'ordinaire appréciait la quiétude du silence ne le supportait plus. Plus la maison se terrait dans le mutisme, plus le Lugnan devenait impatient de la voir se réveiller pour que tout reprenne vie comme avant. Pourtant, il avait pris l'habitude de maugréer de façon inaudible contre ces bruits infernaux causés par tous ceux qui vivaient dans cette maison ; ces bruits qui l'empêchaient de se concentrer sur ses pensées futiles et pourtant si vitales pour lui. Néanmoins, plus les heures défilaient, pourtant si lentement, plus la maison devenait lugubre, plus il sentait qu'il se rapprochait d'une fin qu'il n'avait même pas imaginée lors de ses innombrables méditations. Une fin si improbable qu'il n'avait même pas osé ne serait-ce qu'effleurer cette possibilité. Face à ce constat dont il ne voulait pas prendre conscience, les minutes devinrent finalement des secondes et au moment où il aperçut l'azur terni des yeux de son épouse, il comprit. Il comprit que l'inimaginable allait se produire et qu'il lui restait bien trop peu de temps avec elle.

Il regrettait. Il regrettait de ne pas avoir partagé autant qu'il aurait fallu avec elle. Il regrettait de n'avoir pas été aussi présent qu'il aurait du pour elle. Il s'en voulait de n'avoir fait presque aucun effort tandis qu'elle s'occupait si bien de lui et de leurs enfants. Ces enfants qu'il avait souhaité pour faire prospérer sa lignée, pas pour causer l'irréparable. Il s'en voulait qu'un troisième enfant ait failli voir le jour. Il s'y était habitué malgré ses réticences face au changement, et finalement cet enfant ne vivrait jamais, et il allait emporter avec lui celle qu'il aimait bien plus que lui même, bien plus qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer. Il voulait tellement s'excuser pour tout ça, qu'elle lui pardonne d'avoir été un mari si égoïste et pourtant aucun son ne put sortir de sa bouche. Il n'avait pas à se libérer de ce fardeau maintenant. Il ne pouvait pas exiger d'elle un pardon alors qu'elle demandait à rejoindre le Paradis avec le coeur léger. Chaque larme coulant sur les joues d'Anaïs était un poignard qui transperçait son coeur et son âme, ne laissant plus qu'un vide, une tristesse, une douleur infinie. Il ne savait même pas quoi faire pour la réconforter, tous deux savaient comment tout cela allait se terminer, pourtant aucun n'y était réellement préparé. Il se laissa simplement tomber de sa chaise, à genoux au pied du lit il posa sa main nue sur celle déjà si froide de son épouse, cherchant à la rassurer alors que lui même était profondément inquiet. Souffrait-elle ? Avait-elle peur ? Bien sûr... Comment pouvait-elle ne pas souffrir, ne pas être effrayée à l'idée de mourir ? Pourquoi se posait-il des questions aussi stupides ?!

Puis il sentit cette main bouger, comme si la vie essayait tant bien que mal de reprendre ses droits sur ce corps si frêle et fragile. Il releva la tête, le visage rongé par le remord et les regrets, au bord des larmes mais résistant à cette envie afin que la dernière image qu'il offre à son épouse soit celle de l'homme fort qu'elle aurait du avoir auprès d'elle. Chaque mot prononcé par son épouse résonnait dans son esprit, comme pour les graver au plus profond de son être afin que la voix d'Anaïs ne devienne jamais un lointain souvenir. Il devait la garder en mémoire, et il la chérirait chaque jour jusqu'à rendre lui même son dernier souffle. La force que la Vellini montrait encore le décida, après un léger signe de tête entendu, à se relever pour se mettre face à l'écritoire. La plume à la main, prêt à coucher les derniers volontés de sa belle sur le vélin, il continuait de l'écouter, son coeur s’effritant toujours un peu plus à chaque nouvelle syllabe douloureusement formulée. Il finirait en miettes à coup sûr, il fallait simplement espérer qu'il ne le soit pas trop tôt afin de ne pas flancher. La gorge nouée, d'une voix rauque et faiblarde, il finit enfin par décrocher quelques mots à l'attention d'Anaïs :


-Ma Dame. Mon Aimée. Ma Vie. Je vous écoute. S'il vous plaît.


Dernière édition par Yvain de Lugnan le Mar 17 Jan - 21:43, édité 1 fois
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Message par Anaïs de Lugnan-Vellini Mar 17 Jan - 19:29

Yvain était vite revenu auprès d'elle. Trop peut-être, car il lui semblait qu'elle avait à peine eu le temps de réfléchir à ses dernières volontés. Quelques jours avant, Anaïs imaginait les prénoms qu'Yvain et elle auraient pu donner à leur nouveau-né. Désormais, elle devait songer à sa mort, à ce que cela allait entraîner pour ses proches, et même pour elle. Anaïs avait entendu la voix brisée d'Yvain et comprenait à quel point ces quelques minutes allaient être pénibles. Mais il le fallait.

Lentement elle se tourna dans sa direction pour être entendue sans avoir à faire l'effort d'élever la voix ou de se répéter.


- Par la présente, moi, Anaïs de Lugnan-Vellini, Dame de Biriatou, souffla-t-elle faiblement, et avec l'aide de mon cher époux Yvain de Lugnan, exprime mes dernières volontés. Je suis consciente que ce document n'aura aucune valeur légale, faute d'avoir été préparé sous l'égide d'un homme de loi. Peu importe, mes proches sont dignes de confiance et je sais qu'ils feront ce qui est juste.

Anaïs marqua une pause, cherchant ses mots. Elle savait que sa formule était médiocre, mais le temps manquait. Ce n'était qu'une histoire de mots pour l'instant. Ce qui suivait était tellement plus important, plus précieux. Et là, elle ne devait pas se tromper si elle souhaitait partir l'esprit tranquille.

- J'aimerais, si ma sœur et suzeraine Rozenn Caillavet l'accepte, que Biriatou revienne à mon époux. Que nos enfants puissent grandir sur ces terres que j'aime de tout mon cœur et où je souhaite être enterrée. Il y a… non loin de la maison, un espace retiré mais paisible, où l'été j'aime prendre le temps d'observer et écouter les oiseaux. J'aimerais y reposer. Pour les détails, je laisse Yvain décider. J'aimerais seulement, qu'à mes funérailles on fasse l'aumône pour les miséreux de Biriatou.

Anaïs le regarda avec douceur, les yeux mouillés de larmes. Quand elle parlait de sa tombe, elle ne pensait pas à elle, mais à lui. Voyait-elle Yvain descendre au village pour se recueillir sur la tombe de sa défunte épouse, aux yeux de tous ? Certainement pas. Leur couple était un exemple de discrétion, et cela devait être ainsi par-delà la mort.

- A ma sœur Rozenn, je veux tout d'abord dire que je l'aime. Qu'elle est admirable, courageuse et une femme de grande valeur. Elle a toujours été là pour moi et… je suis désolée à l'idée de ne bientôt plus pouvoir lui rendre la pareille. Je pourrais passer des heures à parler de ce que je ressens pour elle, mais le temps me manque. Biriatou lui appartient et j'ai peu à lui offrir. Anaïs marqua alors une pause, fronça les sourcils tandis qu'elle cherchait ce qu'elle pourrait bien lui confier. Rien de bien important, hélas. Je lui cède une broche ornée de perles et un pendentif en corail. Ces bijoux n'ont de valeur que sentimentale mais je veux qu'ils lui appartiennent.

A ma petite sœur Astride, je veux aussi lui dire combien je l'aime même si j'ai peut-être été injuste la concernant. Elle est brillante, et je lui souhaite d'être heureuse car elle le mérite enfin. Je lui lègue mes quelques traités de botanique, je sais qu'elle en aura bon usage et que cela lui fera plaisir.

A Élise, notre domestique, je lègue mon nécessaire à couture. Je sais qu'il lui plaisait. Je la remercie pour ses merveilleux services et espère qu'elle restera encore longtemps auprès de ma famille.

A Henri, notre autre domestique, j'offre une petite bourse dont Yvain choisira le montant. Je le remercie lui aussi pour tout ce qu'il a fait pour nous et, comme pour Élise, j'espère qu'il continuera à œuvrer pour la famille Lugnan.


Épuisée, assoiffée, Anaïs réclama un nouveau un verre d'eau, et marqua une nouvelle pause. Comme cela était difficile, et elle était loin d'avoir terminé. Pourtant, elle reprit, courageuse et déterminée.

A Georges, mon fils bien aimé, je lègue une de mes bagues, celle qu'il nomme lui-même la « bague rouge ». Il pourra l'offrir à sa future épouse. J'aurais aimé le voir grandir, mais le sort en a décidé autrement. Il devra faire preuve de courage et être bon pour son père et sa sœur.

A Wilgeforte, ma douce Wilgeforte, je lègue mes robes et le reste de mes bijoux. Mes robes seront peut-être passées quand elle sera grande, mais qu'importe. Elle devra être gentille avec son père et son grand-frère et représenter fièrement les femmes Vellini, ici, à Biriatou.

Enfin, à vous, mon Yvain, je vous laisse tout ce qui m'appartient mais que je n'ai pas cité auparavant. A vous de décider ce qui est le mieux. Vous êtes un homme sensé et j'ai confiance en votre jugement.


Anaïs soupira, indiquant par la même occasion qu'Yvain n'avait qu'à dater et la laisser signer pour rendre la chose légèrement plus officielle. Puis comme demandé, son mari fit entrer Élise et Henri qu'elle remercia à nouveau. Ils laissèrent rapidement place à Georges et Wilgeforte. En voyant ses enfants s'approcher du lit, Anaïs laissa échapper un sanglot et appuya son visage quelques secondes contre les draps pour cacher ses pleurs. Enfin elle respira longuement pour se redonner un peu de force.

Georges était assis sur le bord du lit tandis que Wilgeforte était soutenue par son père. Anaïs ne savait par où commencer. Comment annoncer à son enfant qu'on l'abandonne pour toujours ? Comment lui faire comprendre qu'il n'allait plus voir sa mère venir à sa rescousse lorsqu'il chute ou quand il fait une bêtise ? C'est impossible.


- Mes chers petits, je suis si désolée, mais je dois m'en aller…

Le petit garçon vif d'esprit avait sitôt demandé « Où ? Pourquoi ? » et Anaïs ne put que vaguement sourire en constatant que son fils n'allait pas lui faciliter les choses. Elle ne pouvait pas lui mentir car même à trois ans il était trop perspicace pour se rendre compte qu'on se jouait de lui. Alors de sa voix faible elle lui expliqua en toute simplicité qu'elle mourait et qu'ainsi elle les quittait et ne serait plus là.

- Alors, poursuivit-elle, je veux que vous soyez de bons enfants. Que vous soyez sages… que vous écoutiez votre père…  et le respectiez. C'est important. Ne le tourmentez pas, c'est tout ce que je vous demande.

Son cœur se serra en voyant que Georges pleurait. Il ne comprenait peut-être pas vraiment ce qui se passait, mais il semblait se sentir coupable, comme si le fait de ne pas avoir su calmer Wilgeforte l'autre nuit avait contribué au « départ » précipité de sa mère. Anaïs décida alors de les prendre dans ses bras froids et faibles pour un dernier câlin. Les larmes ruisselaient à nouveau sur ses joues tandis qu'elle les embrassait et leur glissait quelques mots au creux de leurs petites oreilles. Chose rare, elle les tutoyait, comme si le vouvoiement la privait en partie de ces derniers moments avec ses enfants. Enfin, Anaïs décida qu'il était temps de les ramener à leur chambre. Elle aurait tant voulu les garder contre elle mais il lui restait un dernier adieu à faire et elle savait qu'il lui serait plus difficile que tous les autres. Les enfants apprendraient à vivre sans leur mère, ils étaient jeunes et Elise saurait les cadrer si Yvain venait à être dépassé. Rozenn serait peut-être là aussi. Mais Yvain ? Pauvre Yvain, c'était pour lui que son cœur battait encore faiblement car elle ne pouvait mourir sans lui dire au revoir.

Les enfants partis après un dernier baiser, la chambre retrouva son silence. Elle s'était attendue à se sentir brisée une fois ses dernières volontés couchées sur un vélin et après avoir vu une dernière fois ses enfants, mais au contraire, elle ressentait une pointe de soulagement. D'un geste elle invita Yvain à s'approcher du lit. Après une hésitation, elle glissa sa main gelée dans la sienne. Ne sachant comment commencer, une fois de plus, Anaïs décida de faire parler son cœur et ses peurs. Et encore une fois, elle abandonna le vouvoiement car ça n'avait plus la moindre importance.


- Yvain… il y a tellement de choses que j'aimerais dire… mais je crois que je vais en oublier la moitié. Je suis désolée, si désolée. De te laisser, de partir si tôt, de ne pas avoir pu donner naissance à cet enfant… De te faire si mal… J'espère que tu me pardonneras. Je veux que tu me pardonnes. Je n'ai pas tout bien fait, et peut-être je n'ai pas assez dit combien je t'aimais.

Anaïs réprima un sanglot. Si elle se remettait à pleurer, elle savait qu'elle n'arriverait pas à terminer. Pour se calmer elle respira profondément, pressa la main d'Yvain comme pour y chercher un peu de force.

- Tu es beau. Intérieurement, extérieurement, tu es beau. Tu es l'une des plus belles personnes que je connaisse et tu as redonné un sens à ma vie. J'aurais tellement aimé qu'elle dure plus longtemps… J'ai peur Yvain. Peur de partir, peur que tu m'oublies, que tu penses que je t'ai abandonné alors que j'aimerais rester auprès de toi, de nos enfants. Je sais que tu feras attention à eux, que tu prendras soin d'eux, mais je sais aussi que ce sera une grosse charge. Je suis vraiment désolée…

Elle n'avait pas remarqué que, dans un dernier élan d'affection elle s'était un peu relevée et avait passé ses bras autour du cou de son mari et que tandis que les larmes avaient fini par couler sur ses joues, elle déposait quelques baisers sur le visage d'Yvain.

- J'ai été chanceuse de t'avoir, peut-être que j'ai été trop chanceuse et qu'il fallait que j'en paye le prix en partant si tôt… Mais je t'aime Yvain. Oh...je t'aime tellement que ça me fait mal de dire tout ça tout en sachant que plus jamais je ne pourrai prononcer ces mots…

Son cœur s'était emballé et à présent elle tremblait. Elle tenait plus, elle n'y arrivait plus. Anaïs avait tout fait pour que tout soit en ordre, mais on ne pouvait pas mourir en ayant tout achevé. En mourant maintenant, son histoire avec Yvain ne pouvait pas être achevée. La jeune femme poursuivit en chuchotant, la respiration saccadée :

- On se retrouvera de toute façon. Mais promets-moi. Que ce sera tardivement. Le plus tard possible…

Ses yeux se fermaient tous seuls. Elle voulait dormir. D'ailleurs, elle s'endormait dans les bras d'Yvain. Il faisait un peu froid, mais c'était là qu'elle voulait être, contre le cœur d'Yvain.

- Je t'aime…souffla-t-elle dans un sourire triste

Et la jolie blondinette se tut. La Mort n'avait pas encore fait son œuvre, Anaïs était simplement assoupie, dans les bras de l'homme de sa vie.
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Message par Yvain de Lugnan Lun 23 Jan - 18:07

L'échine courbée, les épaules remontées et la tête penchée sur son vélin, le Lugnan s'empêchait du mieux qu'il le pouvait de laisser transparaître l'état de décomposition avancé dans lequel il se trouvait. Il n'avait pas le droit de flancher alors qu'elle requérait de lui toute son attention, une ultime fois. Si d'habitude il avait tendance à décrocher dès que le discours était trop long ou trop pénible, aujourd'hui il n'en ferait rien, il assumerait jusqu'à la fin d'avoir mené son épouse à sa perte. Il en aurait assurément été tout autrement si elle n'était pas tombée sur lui, il en avait l'intime conviction et se sentait désespérément coupable de ce qui était en train d'arriver, et tout aussi désespérément impuissant. L'on ne peut échapper à son destin. Les prières, fussent-elles les plus suppliantes de toutes, ne ramenaient jamais ceux qui avaient commencé à emprunter le chemin du Paradis. Il ne le savait que trop bien, pour s'être déjà rompu à l'exercice au chevet de sa défunte soeur. Alors sa plume courait sur le vélin, sans un mot, ses supplications intérieures tendant toutes à demander un peu de répit pour qu'Anaïs puisses faire dignement ses adieux, quelques instants sans avoir que ses entrailles ne soient broyées par la douleur. La gorge serrée et la mine toujours rongée par le remord et les regrets, Yvain n'essayaient même pas de comprendre ce qu'il écrivait, il se contentait simplement d'ajouter les mots les uns à la suite des autres, s'attachant à retranscrire à l'identique ce qui lui était dicté. S'il réfléchissait, il essayerait sans aucun doute d'améliorer les formulations, d'ajouter des points afin que les phrases ne paraissent pas trop longues et pompeuses, d'embellir la vérité pour que ceux qui liront cette lettre ne ressentent pas toute la peine qui pourtant s'y trouvait. Il était si concentré et mort de l'intérieur qu'il ajouta même la phrase lorsqu'Anaïs lui demanda un verre d'eau. Heureusement, les quelques cellules nerveuses encore actives comprirent que cela n'avait rien à voir avec les dernières volontés que l'on a l'habitude d'inscrire dans un testament, aussi officieux soit-il. Il se redressa donc et, rassemblant tout ce qu'il pouvait exister de courage en lui, affronta enfin le regard de sa belle, tentant de sourire afin de la rassurer tout en lui tendant le verre qu'il avait récupéré sur la table de chevet. Ce silence mortifiant prit fin lorsqu'elle lui remit le verre, dans lequel le niveau d'eau n'avait que trop peu baissé pour laisser présager que la situation s'améliorait un temps soit peu. Il n'avait plus qu'une hâte à présent, qu'elle termine le plus promptement possible ces insoutenables dernière volontés. Il reprit sa place face à l'écritoire. Si jusque là il était parvenu à dissimuler ses émotions, sa main se fit plus tremblante dès lors qu'il fut question de leurs enfants. Son écriture se fit donc plus épaisse et appuyée comme pour combler ce manque d'assurance au bout de ses doigts. Une larme perla et chut sur le vélin lorsque son propre nom apparut devant ses yeux, laissant une misérable tâche d'encre au beau milieu de ce document qu'il voulait pourtant immaculé, à l'image de sa divine et merveilleuse aimée. Sa plume hésitante et oscillante eut bien du mal à ponctuer cette lettre qui, en y regardant de plus près, subit une douloureuse et inévitable dégradation de la qualité calligraphique. Sans même prendre le temps d'effacer le sillon de larme sur sa joue, il se tourna vers elle et la laissa signer au bas de cette lettre odieuse qui lui rappellerait chaque jour combien il fut chanceux.

Arrivèrent les adieux, et s'il se garda bien d'être présent pour ceux à leurs domestique, il n'eut guère le choix de rester quand vint le tour de leurs enfants. Wilgeforte au creux des bras, il écoutait la conversation entre Anaïs et Georges le coeur lourd, ne comprenant que trop bien le sentiment de culpabilité qui semblait ronger le petit. De nombreuses questions commencèrent à se bousculer dans l'esprit d'Yvain maintenant qu'il se trouvait plus que jamais devant le fait accompli. Méritaient-ils seulement de n'être élevés que par lui ? A quel avenir seraient-ils voués sans une figure maternelle aussi belle que la Vellini ? A quel saint allait-il pouvoir se vouer afin que leurs enfants restent dignes du rang qui est le leur ? Il n'en savait rien. Sans doute serait-il obligé de s'en remettre à sa belle-soeur s'il advenait qu'elle concède à leur laisser la seigneurie de Biriatou. Il ne savait même si où il pourrait se rendre si jamais Rozenn, considérant qu'il ne faisait plus partie de la famille, décidait de lui retirer toutes les terres qu'elle leur avait offertes. Cette hypothèse peu probable fut rapidement chassée de son esprit par son épouse demandant à avoir leurs enfants dans les bras une dernière fois. Délicatement il laissa Wilgeforte se hisser jusqu'à sa mère, profitant innocemment de ce câlin pour la seule raison qu'elle n'en avait pas eu depuis deux jours. A son âge, elle n'avait pas compris le reste de la discussion. Sonna le glas, la requête fut faite de les ramener à leur chambre malgré les larmes de Georges et une petite fille haute comme trois pommes qui gardait son sempiternel sourire vissé sur le visage. Laissés à Elise qui attendait sagement derrière la porte, le Lugnan referma lentement la porte après les avoir regardé s'éloigner quelques secondes. Il resta encore quelques instants la tête posée contre l'encadrement, la main toujours posée sur la poignet et l'autre plaquée contre la porte. Il ferma les yeux et une nouvelle larme coula jusqu'à la commissure de ses lèvres. Il soupira douloureusement, comme si son coeur ne lui permettait plus de respirer normalement, et il se retourna enfin pour s'agenouiller près du lit, bien plus bas que les yeux de celle qui allait le quitter, pour lui montrer combien il était ridiculement petit et inutile à côté d'elle et qu'il ne méritait absolument pas de vivre pour deux, n'étant déjà même pas capable de vivre tout simplement pour lui même. La main gelée de sa douce dans la sienne, il la porta contre sa joue, même si lui même n'était qu'un sinistre bloc de marbre froid et sans vie.

Honteux, il l'écoutait sans oser l'interrompre, de peur qu'un seul mot de sa part n’entraîne sa fin précipitée. Pourtant, il voulait vraiment lui dire qu'elle n'avait pas à s'excuser, que le seul être misérable de cette pièce n'était autre que lui, qu'il n'avait certainement pas agit en bon père de famille en faisant ce qu'il avait fait, qu'il ne méritait pas tous les compliments qu'elle était en train de lui faire, qu'il était tout bonnement impossible qu'il l'oublie vu tout ce qu'elle représentait pour lui, qu'il n'avait aimé et qu'il n'aimerait qu'elle jusqu'à sa propre fin. Mais, égoïstement, il profitait du fait qu'elle ne veuille plus que lui jusqu'à rendre son dernier soupir, il profitait de ces bras froid autour de son cou, de ces ultimes baisers posés sur son visage encore plus au bord de la nécrose que d'habitude. Il profitait, mais il souffrait. Il souffrait de ne pas avoir su profiter de tout cela plus tôt. Pourquoi n'était-ce que maintenant qu'il se rendait réellement compte de sa chance ? Maintenant qu'il la perdait définitivement ? Elle lui demanda de promettre qu'il devait mourir le plus tard possible et il ne put qu'hocher lentement la tête de son air morne et résolument désespéré. Voyant la tête de son épouse tomber de plus en plus, il finit par vivement se redresser pour se glisser près d'elle et attirer sa tête contre lui avant de passer son bras derrière elle afin qu'elle puisse partir vers son dernier voyage là où elle rêvait d'être. La respiration d'Anaïs se fit plus lente, signe qu'elle s'était bel et bien endormie et qu'elle ne se réveillerait probablement plus jamais. Ce ne fut qu'à partir de cet instant précis qu'il relâcha toute la pression qu'il s'était imposée depuis le début de ce dramatique événement. Son poing se serra au moins aussi fort que son coeur, et afin de se calmer il se mit à machinalement caresser les cheveux de sa belle endormie. Se furent alors ses larmes qu'il ne put empêcher de couler le long de ses joues et de son cou avant d'être épongées par le col de sa chemise qui ne tarderait pas à être trempé. Le fait de pouvoir enfin laisser libre cours à ses sentiments dénoua quelque peu sa gorge et après quelques râles d'agonie il put lui aussi faire ses adieux à son épouse, quand bien même elle ne l'entendait probablement déjà plus.


-Ma Dame. Je suis contrit. Je ne mérite guère votre pardon. Et vous n'aviez point à vous excuser auprès de moi. Vous fûtes une merveilleuse épouse. N'en doutez point. Jamais. Je ne saurai vous remplacer. Même si. Souvenez-vous. Nous parlâmes de cela lorsque nos apprîmes que mon odieux cousin se mariait. Vous étiez mon soleil la journée. Mon étoile la nuit. Je ne puis vous comparer à la lune. Aussi belle soit-elle. Vous ne méritez point que l'on vous compare aux Enfers. Vous m'avez tout donné. Jusqu'à votre vie aujourd'hui. Je n'ai rien fait en retour. Je méditais ! Ma Dame. Je méditais pour des inepties ! Je le vois maintenant. Les remords m'accablent. Ma vie sans vous sera un supplice. J'aurai aimé que vous sachiez. Que vous sachiez combien vous m'êtes précieuse. Combien vous le resterez à jamais. Combien j'aurai préféré être à votre place. Combien vous me manquerez. Combien je vous aimais. Combien je vous aime. Combien je vous aimerai. Vous reposerez où vous le désirez. J'empêcherai la famine de toucher nos terres. Je vous visiterai chaque jour. Je parlerai de vous à nos enfants. De vos innombrables qualités. De l'exemple que vous êtes. Je ferai tout pour que vous soyez fière de nos enfants. Je ne mourrai point. Point avant d'avoir tenu mes promesses. Ne vous en veuillez point. S'il vous plaît. Je suis faible. Trop faible. Mais pour vous je trouverai la force. Ma Dame ! Je la trouverai.

Sa gorge était sèche et pourtant il ne pouvait plus s'arrêter de parler, comme si tout ce temps passé dans le mutisme espérait se voir comblé aujourd'hui. Alors il continua de parler encore et encore, ressassant d'innombrables souvenirs, comme le jour où il avait gravé qu'il l'aimait sur un tronc d'arbre, celui de leur première fois, de leur première dispute où il avait fini par dormir chez les moines quelques jours, de la naissance de Georges, de la naissance de Wilgeforte, de leur quête d'une domestique italienne qui s'était conclue sur un match nul parce qu'Anaïs avait été jalouse, du tout premier entraînement physique d'Yvain et de son lendemain plus que difficile où il se pensait en train de mourir momifié, et encore bien d'autres jours. Certains de ces souvenirs tirèrent un léger sourire sur le visage d'un Lugnan aux yeux rougis. Il tenait tellement à ce qu'elle parte sereinement qu'il ne s'intéressait pas au mal qu'il se faisait lui même en parlant de ces reliques du passé qu'il n'avait pas toujours trouvées heureuses sur le coup, mais qui, maintenant qu'il relativisait, devenaient plutôt amusantes. Une heure passa, peut être deux, il ne s'en rendit pas bien compte tant il avait parlé sans même s'arrêter. Ce ne fut qu'une fois sa gorge si desséchée que plus aucun son ne voulait en sortir qu'il pencha sa tête vers la blonde et qu'il ne put que constater que La Mort avait finalement fait son oeuvre en l'emmenait auprès d'elle. Il ne pouvait plus pleurer, il n'en était plus capable tant ses larmes avaient coulé plus tôt, mais heureusement le visage de son épouse semblait afficher un air presque soulagé, comme si, peut être, dans son sommeil elle avait entendu tout ce qu'il avait dit et qu'elle avait compris qu'il ne lui en voulait pas de l'abandonner ainsi. Il resta là encore quelques longues minutes, l'esprit complètement vide, ses yeux douloureux clos, et sa main toujours dans les cheveux blonds de sa belle. Il se leva finalement, en prenant grand soin de poser la tête d'Anaïs sur un oreiller, comme s'il avait peur de la réveiller. Il remonta les couvertures jusqu'à son menton et lui déposa un baiser sur le front avant de prononcer ses derniers mots de la journée d'une voix très faiblarde et sortie d'outre tombe :

-Dormez bien. Mon Aimée.

Puis il quitta la chambre en refermant la porte derrière lui. Aux domestiques qui attendaient devant celle-ci, il se contenta de faire signe qu'ils pouvaient disposer et retourner vaquer à leurs occupations habituelles. Lui rejoignit silencieusement son fauteuil dans le salon, au pied de la cheminée. Cette nuit, il y dormirait. Et probablement les deux ou trois nuits suivantes, tant que son épouse n'aurait pas rejoint sa nouvelle demeure...
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Message par Astride Vellini Lun 13 Fév - 18:50

Depuis quelques jours les travaux du cloître n'avançaient plus. La neige, le vent et le froid avaient eu raison de la détermination des ouvriers du chantier. La blondinette s'était donc octroyé la mission de visiter, avec François, chaque chaumière afin de s'assurer qu'aucun hendayais ne souffrait de ce temps particulièrement pourri. Équipée de son nécessaire médical, elle prodiguait les premiers soins à celles et ceux qui en avaient besoin, sans demander aucune contrepartie. Les plus insistants finissaient par la convaincre d'accepter un don pour les travaux du cloître, mais ça n'excédait pas quelques deniers histoire de pas les ruiner. Tout ce remue-ménage lui permettait d'oublier pendant quelques heures qu'elle revenait à peine d'Italie, où elle avait eu le malheureux déplaisir de voir Rodrigue épouser une autre femme tout en subissant les jérémiades de la fille Licors. Depuis, elle n'avait toujours pas digéré le fait d'avoir été trompée de la sorte par ce sinistre individu malgré le souvenir de toutes les mises en garde qu'elle avait reçu concernant les roux, ces enfants du diable. De toute façon, elle se savait haïe du Très Haut, parce qu'elle était tout à fait incapable de parler, elle avait perdu sa mère si jeune qu'elle était incapable de s'en souvenir, elle avait été placée chez les nones car aucune de ses deux soeurs n'avait été capable d'endosser la responsabilité de l'éduquer, alors pourquoi lui aurait-il permis de vivre une vie normale aux côtés d'un homme qu'elle pensait aimer heinn ? Malgré cette résignation, elle savait qu'elle finirait par se venger de cet affront ! Elle ne savait simplement pas encore comment mais cette idée ne quittait jamais réellement son esprit.

En fin d'après-midi, tandis qu'elle rentrait de sa journée dans l'un des quartiers les plus malfamés d'Hendaye, elle aperçut un coursier frigorifié devant la porte de la demeure seigneuriale. Après un haussement de sourcil intrigué, ne recevant jamais de courrier, pas même de sa soeur-suzeraine pour lui rappeler qu'elle avait du retard dans ses impôts, elle s'approcha du pauvre garçon et laissa François échanger quelques mots avec lui n'ayant pas du tout le courage de sortir son ardoise de son sac, n'étant d'ailleurs même pas sûre que le jeune homme saurait la déchiffrer. Elle avait eu l'habitude d'évoluer dans un environnement où tout le monde était relativement lettré, mais c'était loin d'être le cas de tout le monde dans les campagnes reculées du Pays Basque. Déjà, elle pouvait être contente de ceux qui faisaient l'effort de lui parler dans un français approximativement correct, laissant de côté le basque le temps de la conversation. Une fois la lettre récupérée et le garçon invité à entrer le temps d'au moins se décongeler les mains devant la cheminée, la Vellini s'isola dans son bureau et parcourut le courrier. Si elle avait pu parler, sa réaction aurait assurément été un "Oh." étrangement calme malgré l'urgence de la situation. Elle sauta donc cette étape et traversa la pièce principale dans l'autre sens afin de rejoindre son laboratoire et y récupérer quelques potions et onguents dont elle pourrait avoir l'utilité avant de revenir face à François en gesticulant de façon à ce qu'il comprenne qu'elle devait se rendre immédiatement à Biriatou et que lui devait rester pour veiller sur Hendaye en attendant qu'elle revienne car ça risquait de prendre quelques jours. Alors qu'elle allait franchir le pas de la porte pour rejoindre l'écurie, son bras fut saisi par un neveu à l'air plutôt sérieux pour une fois :


-Tu d'vrais attend' d'main pour partir Titide. Si t'es prise dans la tempête en pleine nuit t'pourras rien faire du tout.
Mine renfrognée et énervée en guise de réponse.
-J'sais bien qu'c'est risqué pour m'man d'attendre, mais si t'arrives pas on aura tout perdu !

Elle plissa le nez en fronçant les sourcils, il avait pas tort. Elle repartit donc dans son laboratoire afin d'avoir rien à préparer sur place et elle y passa une bonne partie de sa soirée avant d'enfin se décider à manger quelques pommes pour filer se coucher. Et elle avait effectivement bien fait d'attendre le petit matin, le tas de neige nouvellement installé devant la porte d'entrée témoignait à lui seul de la violence de la tempête qui avait fait rage pendant la nuit. Elle tapa du pied, exaspérée par ce mauvais temps qui ne semblait pas décidé à aller faire chier d'autres gens dans le monde et se souvint du pourquoi elle était aussi remontée depuis la veille et récupéra ses affaires avant de sortir par une fenêtre puisque la neige coinçait la porte et qu'elle n'avait pas l'intention d'attendre qu'elle soit dégagée pour s'en aller. Une fois grimpée sur sa monture, elle se carapata à grande vitesse vers Biriatou, avec le vent presque dans le dos elle essayait de se persuader qu'elle arriverait à temps... Malheureusement, son sens de l'orientation ne s'était pas améliorée durant la nuit, et ce fut à Urrugne qu'elle se retrouva. Énervée elle prit au moins le temps d'aller jusqu'au château afin de prévenir Rozenn qu'Anaïs était entre la vie et la mort, du moins d'après Yvain.

-Nan mé Yvain il aime bien exagérer tout l'temps ! J'suis sûre elle a juste un rhume !
Elle avait oublié qu'il avait une certaine tendance à en faire des tonnes lorsqu'il s'agissait de maladie. Mais fallait quand même pas traîner !
-Tu r'passes par Urrugne au r'tour histoire de m'tenir informée ? L'est enceinte quomême alors on sait jamais.

Puis la blonde était repartie en direction de Biriatou, accompagnée pour une grande partie du trajet par l'un des domestiques 100% basque de sa soeur pour être sûre de pas se perdre encore une fois pour arriver avant qu'Yvain meurt d'un arrêt cardiaque à cause d'un surplus de stress. Elle finit donc par arriver là où elle devait être attendue depuis un certain temps, et par chance elle croisa la route d'Henri. Elle fit un grand signe de main pour attirer son attention et ne put que constater le visage excessivement triste du domestique. Elle secoua vivement la tête de gauche à droite, tentant de chasser toute idée trop morbide de son esprit, se persuadant qu'il faisait cette tête juste parce qu'il avait perdu une partie de ramponneau dans le tripot du village. En vain. Une fois repérée, la minie Vellini fut approchée par le domestique des Lugnan et il se contenta d'un sinistre et froid :

-Vous êtes arrivée trop tard Mademoiselle d'Hendaye.

Ses yeux bleus devinrent ternes, ses bras lui en tombèrent et son regard se perdit dans le vide. Trop tard. Elle avait failli. Elle se laissa lentement tomber dans la neige alors qu'aucune larme ne coulait encore sur ses joues. Elle leva la tête vers le ciel, cherchant à comprendre pourquoi elle devait encore subir une nouvelle épreuve, si peu de temps après celle du mariage du traître. En réalité, elle n'arrivait pas à être triste de la perte de sa soeur, non pas parce qu'elle ne l'aimait pas ou parce qu'elle lui en voulait de quoi que ce soit. Elle était tout simplement en rogne contre le monde entier ! Elle tapa de ses petits points froid dans la neige, les sourcils froncés et les yeux devenus noirs de haine. Elle détestait François de l'avoir incitée à attendre le lendemain. Elle détestait Rozenn de l'avoir rassurée quant à la gravité du mal qui rongeait Anaïs. Elle détestait Yvain d'avoir pris l'habitude de toujours exagérer. Elle se détestait de s'être perdue, d'être arrivée trop tard. Ce ne fut qu'au bout de quelques minutes qu'elle se redressa enfin, l'air malheureux et déterminé d'une femme blessée vissé sur le visage. Elle remonta sur son cheval et reprit la route vers Urrugne pour froidement informer la Caillavet que sa jumelle était passée de vie à trépas, suivant scrupuleusement les traces de pas qu'elle avait laissées un peu plus tôt. Elle n'avait aucune envie de déranger la famille pour le moment, de peur d'avoir un comportement déplacé face à la tristesse qui serait la leur. Un zeste de pitié de la part de la blonde, on va pas cracher dessus !

En fait, la blondinette n'avait pas encore tout à fait réalisé ce qu'il se passait... Le contre-coup risquait d'être d'autant plus douloureux lorsqu'elle recevrait le courrier l'invitant aux funérailles...
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Message par Rozenn Caillavet Mer 15 Fév - 15:37

-Mé nan arrête tes blagues c'pas possib' ! Les jumelles c'connecté, j'aurai senti si elle était morte.

Dans le jargon médical, on appelle ça le déni. Pas le petit déni genre "nan mais j'suis pas malade" quand en vrai t'es en train de cracher tes boyaux. Nan nan LE déni, celui où t'essaies de te persuader par tous les moyens possibles que ce qu'on vient de t'annoncer c'est sorti des méandres d'un esprit de petit enfoiré arrivvé sur Terre dans le seul intérêt de pourir l'existence de toute personne avec l'air un peu trop guilleret. Pis comme Astride avait pas eu l'air triste en lui annonçant ça en plus, du coup y'avait de quoi avoir encore un peu de doute, y'avait encore l'infime espoir d'une vanne de très très mauvais goût d'une foutue blondasse dégoûtée que ses soeurs s'en sortent un peu mieux qu'elle. Juste un peu parce qu'on peut pas dire que la Boulette s'en sort merveilleusement bien avec son mari à l'autre bout du Royaume qui rentre une fois l'an pour montrer qu'il est toujours vivant. Heureusement qu'ils s'écrivent hein ! M'enfin bref, la dite blondasse avait pas lâché le morceau et Roz fut bien obligée d'admettre la vérité. Après avoir simplement demandé à sa frangine de rentrer à Hendaye histoire d'annoncer ça à François -en prenant de grosses pinces avait-elle cru bon d'ajouter- elle s'était laissée tomber dans un fauteuil, complètement abasourdie, pas du tout préparée à vivre ça aujourd'hui même si le temps se prêtait plutôt bien à ce genre de nouvelle sur-déprimante. Habituée à jamais laisser transparaître ses émotions, forte jusqu'au bout de ses petits doigts boudinés, un léger sourire apparut sur ses lèvres avant de se relever pour se mettre devant la fenêtre. Les yeux rivés vers le ciel, elle avait dit :

-J'te l'avais bien dit qu'les brunes vaincraient... Sale blonde... Une petite larme coula le long de sa joue et elle resta là encore plusieurs heures, à attendre que la naissance d'une nouvelle étoile.

Le lendemain, le temps était à nouveau ensoleillé et elle trouva le courage d'écrire à Yvain pour lui demander s'il avait pu collecter des infos importantes et s'il préférait que ce soit elle qui s'occupe d'organiser les funérailles. Hé oui ! On est généreuse à fond ou on l'est pas du tout les gars ! Elle se doute bien que le pauvre Yvain va pas être capable d'organiser ça en plus de gérer ses enfants et de se remettre du décès d'Anaïs. Du coup, même si elle aussi souffre le martyr intérieurement, faut bien qu'un adulte -Astride compte pas dans les adultes faut pas déc'- garde ses idées à peu près claires pour que tout ça se passe correctement. Pendant les préparatifs, la Boulette se parlait souvent à elle même à coup de petites phrases sorties de nulle part comme :


-J'toujours pensé qu'on vivrait à l'infini... J'avais oublié qu'on mourrait.
-T'aurais pu attend' un peu franch'ment, on est pas vieille hein !
-C'tait une blague quand j'disais qu'j'aimais pas les blondes...
-Sérieus'ment j'fais quoi moi maint'nant ?
-Pis qu'est-ce tu veux qu'j'en fasse d'ta broche moi ?
-T'façon t'es chiante t'en fais qu'à ta tête !
-Un jour on m'aurait dit qu'j'f'rai ça j'aurai pas cru...
-T'pass'ras l'bonjour à maman, pis papa s'tu l'croises.
-...

Trois jours plus tard, la cérémonie religieuse a donc lieu dans la petite chapelle de Biriatou et les corps sont transportés là où la Vellini l'avait demandé. Oui les corps ! On allait quand même pas laisser le corps de ce pauvre petit enfant mort né pourir dans un coin ? Lui aussi il a le droit d'aller au Paradis et de retrouver son tonton Achille. Entre bébés morts nés ils pourront se faire des petites soirées toussa toussa. Pis on respecte toujours les dernières volontés des presque morts ! Même si ça veut dire être enterrée loin d'un lieu consacré étou étou. L'important c'est la cérémonie et qu'on t'oublie pas de toute façon hein ? Alors que tous les villageois plus ou moins attristés par la perte de leur cheffe rentraient chez eux, la Caillavet demande à Yvain la possibilité de rester seule avec Ana quelques instants, avant d'aller vérifier que toutes les dernières volontés avaient bien été respectées et que la vie allait pouvoir reprendre lentement son cours plus ou moins normal. Requête acceptée ! Yeah ! Une fois tous les airs déprimés des familles Vellini et Lugnan hors de portée d'yeux -ouais je sais on dit hors de vue normalement mais bon hein crotte- elle joint ses mains et toujours pleine de dignité même avec un coeur rempli de tristesse, elle s'essaie une dernière fois aux petites blagues qui détendent l'atmosphère. Sans le sourire parce que faut quand même pas abuser.

-Tu t'rends compte qu't'auras réussi à m'faire porter du noir ? J'dois dire qu'c'est vach'ment moche comme couleur... J'espère que ch'rai pas obligée d'refaire ça d'si tôt. Promis j'ferai attention à Yvain et à tes enfants, pa'ce que bon j'veux pas dire mé... C'vrai qu't'as eu l'mérite d't'en prendre un qu'était tout l'temps 'vec toi, mé bon l'est pas très débrouillard tout d'même. T'en fais pas pour Biriatou, j'la laiss'rai à ta famille aussi longtemps qu'y voudront bien rester ici, j'vais pas mett' mes n'veux à la rue, j'suis pas si cruelle ! Pis en plus t'as eu l'bon goût d'avoir des enfants bruns alors j'vraiment pas d'raison d'les virer d'là. Un léger rire s'échappe de ses lèvres. Décidément, elle se détend même elle même à parler aussi bêtement, c'est fou ce que ça marche bien ! Moi aussi j't'aimais t'sais Ana. Même si t'étais plus grande, même si t'étais toute maigre, même si t'étais blonde, même si tu f'sais ta fayotte 'vec maman et les professeurs quand on était p'tites.Tu m'dois rien, et j'espère vraiment qu'j'ai réussi à t'aider à chaque fois qu't'en as eu b'soin. Si m'demander cent milles choses encore m'permettait d'te ram'ner ici, t'sais bien que j'le f'rai sans même réfléchir... Bon sauf si ça implique que j'dois pécher beaucoup, là j'aurais p'tetre réfléchi un peu à des solutions d'repli mé... Mé t'façon on sait qu'c'est pas possib' d'faire rev'nir des morts hein ? Alors veille bien sur nous d'là haut surtout, s'tu crois encore qu'tu m'en dois une, on aura qu'à dire qu'c'est ça hein ?

Un léger sourire pour terminer, elle baisse la tête et ferme les yeux en restant silencieuse quelques instants et juste avant de se retourner pour rejoindre les autres, elle lâche un très théâtral : "On s'reverra t'façon ! Bai bai... L'plus tard possib' c'bien noté !"
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Message par Yvain de Lugnan Sam 18 Mar - 22:34

[Quelques jours après la cérémonie]

Il n'avait pas bougé de son fauteuil depuis la lecture des dernières volontés de son épouse devant la famille réunie. Henri s'approchait de temps en temps afin de lui demander s'il avait besoin de quelque chose et de s'assurer qu'il y avait de quoi manger et boire sur la petite table. A chaque fois, il ne recevait pour réponse qu'un regard morne et complètement vide, un visage dénué de toute émotion, de tout intérêt pour le commun des mortels. Il continuait de ressasser inlassablement tous les torts qui avaient été les siens depuis qu'il avait eu l'audace de lui demander de devenir sa femme, même si ni l'un ni l'autre n'éprouvait de sentiment à ce moment là. Serait-elle encore en vie si elle avait refusé d'accéder à son égoïste requête ? Avait-elle été plus heureuse à l'issue de ce mariage loin du romantisme tant espéré par la Caillavet ? Lorsqu'il était épuisé de ne trouver aucune réponse à des questions inexistantes, il ne pensait plus à rien. Il était purement et simplement vide de l'intérieur, prêt à recevoir une nouvelle âme dans ce corps en décomposition. Elise venait parfois l'engueuler pour l'obliger à manger, alors sans jamais lui répondre il tendait le bras vers le morceau de pain trônant sur la table et le portait à sa bouche pour le mâcher sans aucune conviction et avec une lenteur à rendre fou le plus patient des hommes. Il n'avait plus goût à rien, et la seule chose à laquelle il tentait de s'intéresser sans grande conviction était la santé de ses enfants. Il avait juré de s'en occuper et de ne pas se laisser dépérir, force était de constater qu'il serait incapable de la tenir. Loin de s'en soucier, il ne faisait que se morfondre encore un peu plus, se maudissant d'être un homme en qui personne ne peut avoir confiance. Il ne savait. Il l'avait toujours su. Son aimée avait eu l'audace de croire en lui et d'essayer de lui faire avoir confiance en lui même, le Très Haut l'avait menée à sa perte sans même lui laisser une chance de simplement l'abandonner pour le laisser retourner à sa vie misérable. Éternellement il s'en voudrait et serait persuadé qu'il était seul responsable de cette tragédie malgré les mots de réconforts que Rozenn avait pu avoir à son endroit à l'issue des funérailles. Il songea d'ailleurs au fait qu'il n'avait même pas pris la peine de la remercier d'avoir assuré l'organisation de tout cela, n'ayant pas dit un mot depuis  que sa belle n'était plus, pas même lorsque tous les pécores de Biriatou étaient venus lui adresser leurs condoléances. Il s'était contenté d'hocher la tête avec sa mine cadavérique.

Miraculeusement, il se hissa de son fauteuil pour prendre silencieusement la direction du bureau. Il ne s’épancha pas en mots inutiles et un simple "Merci." fut inscrit sur un morceau de parchemin, probablement encore trop grand pour contenir ce seul mot, qui portait une signification pourtant si grande. Il faisait beau temps, et même s'il ne supportait guère l'air glacial de l'hiver montagneux, il était décidé à aller quérir lui même un coursier pour se rendre à Urrugne. Il recouvrit donc chaque parcelle de son corps d'un vêtement afin que le vent ne l'enrhume pas, car même si le Très Haut n'avait pas jugé opportun de l'envoyer six pieds sous terre maintenant, il était préférable de tout faire pour ne pas tomber malade ; ses jours seraient encore plus mornes s'il devait les passer avec la goutte au nez et l'esprit embrouillé. Il claqua bruyamment la porte pour signifier son départ sans avoir à prononcer un mot, et il prit lentement le chemin pour le bourg, en quête d'une personne prête à braver la neige et le froid pour quelques pièces et la reconnaissance infinie d'un suzerain désespérément seul. La tâche fut relativement aisée, et seuls quelques mots furent nécessaires pour exprimer son besoin. Le jeune homme partit sur l'instant tant la course était rapide, probablement pressé de revenir à la demeure seigneuriale pour récupérer son pécule. Plus ou moins satisfait d'avoir mené sa piètre mission à bien, le Lugnan resta de longues minutes sur le banc de la taverne, le regard à nouveau absent. Il fut sorti de sa torpeur par l'aubergiste, venu lui demander s'il souhaitait boire quelque chose vu qu'il n'avait pas décampé une fois sa besogne accomplie. Revenant à lui, Yvain fit un léger signe de main pour refuser la proposition et se leva avec lenteur en déposant quelques deniers sur la table, comme s'il voulait s'excuser d'avoir occupé la place sans avoir consommé quoi que ce soit. Ce fut sous le regard désabusé du tavernier qu'il quitta l'établissement pour errer dans les ruelles et répondre d'un coup de tête à celles et ceux qui le saluaient avant de se remettre à jacasser au sujet de la tristesse qui émanait naturellement du seigneur des lieux.

Ses pas le menèrent naturellement à la clairière, là même où tout Biriatou s'était réuni il y a quelques jours. Il s'arrêta quelques instants, ses yeux verts presque éteints posés sur la tombe de celle qu'il aimait toujours autant, puis s'avança lentement vers elle pour s'agenouiller. Faisant fi de l'humidité qui commençait déjà à s'imprégner dans ses braies, il resta là des heures durant, parfois silencieux, parfois si triste que ses larmes coulaient sans qu'il puisse les retenir, et parfois loquace, cherchant encore et toujours un pardon qui ne viendrait plus maintenant que le mal était fait. Le soir tombant, et Henri ne voyant pas son maître revenir, il s'était hâté de partir à sa recherche. Pas aussi idiot qu'il pouvait en avoir l'air, il avait commencé par le lieu le plus stratégique : la tombe de la dame de Biriatou.


-MONSIEUR !

Le corps froid, trempé et endormi fut promptement ramené à la demeure par l'homme de main, et immédiatement pris en charge par Elise une fois déposé sur le lit. Les vêtements furent changés et une serviette chaude fut déposé sur son front tandis qu'une bûche était ajoutée à la cheminée afin de réchauffer l'atmosphère de la maisonnée et permettre la préparation d'une soupe pour l'heure où le Lugnan se réveillerait.

-Pauvre M'sieur Yvain... Se contenta de souffler la bienveillante domestique en referma doucement la porte de la chambre.
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