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La trahison mérite la pire des punitions ! [Partie II]

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La trahison mérite la pire des punitions ! [Partie II] Empty La trahison mérite la pire des punitions ! [Partie II]

Message par Rodrigue de Liancy Jeu 8 Fév - 21:30

Les semaines s’étaient écoulées avec lenteur depuis les obsèques de Lucia. Une cérémonie déchirante durant laquelle Rodrigue avait dû serrer les mâchoires tout du long pour apparaître digne face au drame. Cela avait été difficile en voyant l’église pleine à craquer, en voyant la peine sincère s’afficher sur des visages connus ou non. Le marquis avait suivi le cercueil de son épouse, lui même suivi par son fils dans les bras de celle qui était devenue sa nourrice, Cristina Stazzu. Puis on avait mis le cercueil en terre, actant pour de bon la fin de Lucia de Liancy, marquise de Giglio. Aussi simplement que cela.

Restait alors le vide et les remords. Sa peine, Rodrigue la gardait pour lui. Arambour s’en souciait comme d’une guigne et il avait dû sacrifier Guido pour ne pas provoquer une crise sur l’île. Il y avait bien Cristina qui se montrait douce avec lui comme avec son fils, semblant faire de son mieux pour atténuer les angoisses du père et rendre la vie de Nerio aussi normale que possible, mais il avait du mal à s’ouvrir à elle. Il ne la connaissait finalement que peu. Elle était veuve, son mari ayant disparu en mer peu de temps après la naissance de leur fils, Pietro. Rodrigue la soupçonnait d’avoir su surmonter sa perte parce qu’elle n’avait pas vraiment choisi son mari et que les seuls sentiments à son égard étaient finalement destinés à leur enfant. Le marquis lui, traînait un boulet, un lourd secret qui rendait le deuil encore plus lourd sur ses épaules.

Au bout de deux semaines, excédé, il avait demandé à ce que l’on retire tous les portraits sur lesquels on pouvait voir sa femme. Il n’y en avait pourtant pas beaucoup, mais trop pour le Liancy qui ne pouvait que se rappeler de sa culpabilité en posant l’œil dessus. Les tableaux décrochés, on les avait rangés dans une pièce, protégés, pour les offrir à Nerio en temps voulu. Rivola avait tout à fait compris la décision du marquis et se voyait déjà devoir plier bagage avec celle qui était devenue sa femme et leur petite bâtarde, Mila, faute de nouvelles commandes à venir, quand Rodrigue lui proposa une nouvelle sorte de travail : dessiner un tombeau. La tombe de Lucia n’était pas assez belle selon lui, ni à la hauteur de l’affection que lui portaient les Gigliesi. Une affection telle que le Liancy ne se rendait que très rarement sur la tombe de sa femme car il y avait toujours un ou deux habitants pour lui rendre hommage. Il n’en prenait pas ombrage, au contraire, il l’avait compris dès le soir de sa mort : elle était la fille de Giglio, l’enfant de cette île, celle que l’on avait aimé pour sa beauté et son élégance, elle n’appartenait pas à Rodrigue, mais à tous. Pour se faire pardonner alors, il avait décidé de lui ériger un tombeau magnifique, dernier cadeau d’un époux à sa femme.

Les semaines suivant la mort de Lucia avaient aussi été l’occasion de changements. Rodrigue ne pouvait plus dormir dans leur chambre à coucher. Il détestait cette pièce où se revoyait encore en train d’essayer de réveiller Lucia, en vain. Il s’était alors fait aménager une petite chambre auprès de celles occupées par Nerio, Cristina et Pietro. Le Liancy veillait ainsi personnellement sur son fils et surveillait sa nourrice comme le lait sur le feu, encore un peu méfiant envers elle.
Pour autant, il ne dormait pas bien. Ses rêves étaient en réalité des cauchemars. Au début il rêva souvent de Lucia. Tantôt vivante, tantôt morte. Puis sa femme avait laissé place à une Astride qu’il étranglait ou au contraire, qu’il aimait. Ses rêves le perturbaient, la lettre de la Vellini plus encore. Il avait dû la relire des centaines de fois. Sa haine s’en trouvait toujours plus forte, et pourtant, il restait encore de l’amour. Il ruminait sa vengeance, il rêvait d’écraser son joli minois, de lui briser la nuque tout en regrettant d’avoir de telles pensées car elle n’était que sa créature.

Tout le monde croyait que le temps allait permettre à la plaie de cicatriser. Que le marquis et son air sombre allaient peu à peu se relever. Il n’en fut rien. Les semaines s’écoulaient lentement, sans Lucia pour égayer ses journées, sans Astride sous la main pour passer sa rage, sans quiconque à qui parler. Dans la souffrance certains se tournaient vers Dieu. Rodrigue, lui, lui avait complètement tourné le dos. Il ne croyait plus en rien. Il se rendait toujours aux messes, mais seulement pour faire de la figuration, pour que son peuple ne le croit pas mort lui aussi. Il maudissait le Très-Haut d’avoir mis Astride sur son chemin, de l’avoir fait tomber sous le charme de cette beauté blonde. Il le maudissait de lui avoir pris Lucia quand il avait enfin trouvé le bonheur. Dieu était une escroquerie, et Rodrigue était bien décidé à agir sans se soucier de ce que l’on pourrait en penser au-dessus de sa tête.
Toutefois, il fallait bien vivre. Officiellement il était encore marquis de Giglio, mais force était de constater qu’il ne gouvernait rien. Arambour était la tête pensante, celle qui faisait tout. Rodrigue ne faisait plus que signer des actes et se montrer désagréable lorsqu’il paraissait aux réunions. Les notables lui pardonnaient son attitude, la mettant sur le compte du deuil difficile à faire après l’assassinat de sa femme par son bras-droit. Ils lui pardonnaient aussi parce qu’ils savaient la Licors dure en affaire et qu’à présent ils pesaient tous leurs mots et leurs actes.

Il y avait la souffrance certes. Le vide et une certaine solitude également. Néanmoins Rodrigue occupait son esprit à tout autre chose qu’aux affaires de l’île. Sa tête était tournée vers Hendaye. Astride l’y attendait et il avait bien l’intention de répondre à son invitation. Il voulait se venger, mais comment ? Au début, Rodrigue avait tout simplement envisagé de la faire souffrir, mais au fond, il l’avait déjà fait et c’était la raison pour laquelle Lucia reposait sous terre. La mort devint alors rapidement la meilleure des solutions. Par son amour pour elle, il l’avait façonnée de façon monstrueuse. Elle ne comprenait rien aux relations humaines et restait obnubilée par lui. Le borgne reconnut qu’il en était de même pour lui. Il lui avait suffit de la voir pour retomber amoureux et malgré l’acte d’Astride, malgré la haine qui grandissait jour après jour, il restait un fond d’amour pour elle. Il ne pouvait pas le supporter. Le Liancy avait donné naissance à une meurtrière ? Il abattrait la meurtrière.

Le marquis préparait donc son voyage. Il prévoyait d’être à Hendaye en mai ou en juin. Cela lui laissait le temps de régler quelques menus détails. A commencer par son testament. Rodrigue ne savait pas exactement comment il allait éliminer Astride ce qui allait le forcer à improviser selon la situation. L’improvisation comportait forcément plus de hasard qu’un plan fermement établi et il n’était pas à exclure que les choses lui échappent. Il pouvait également laisser sa peau sur le chemin aller comme sur le chemin retour. Préparer sa succession et mettre ses affaires en ordre avant de partir était donc une obligation. Une obligation mais aussi une formalité. S’il mourait, Nerio devenait le marquis de Giglio. En cas de minorité, les clés de l’île étaient confiées à Arambour Licors. Les intérêts personnels de l’enfant étaient eux confiés à trois personnes : à Arambour, au grand-père de l’enfant et à sa nourrice, Cristina Stazzu, afin de plaire aux notables qui n’auraient sûrement pas apprécié de voir une française avec les pleins pouvoirs. Quant au reste, il ne s’agissait que de dons ou d’indications diverses sur ses derniers souhaits.
Il lui restait à trouver une raison de s’éclipser durant des semaines. Là encore, ce fut une formalité. La retraite sur le continent, en France était une parfaite raison. Le marquis se sentait malheureux, n’était plus en mesure de gérer ses affaires et avait besoin de prendre l’air. Moralité, il avait besoin de se recentrer, de faire un retour vers Dieu tandis qu’Arambour endosserait officiellement les habits de régente. Pas de discussion possible.

Mi-mai, Rodrigue quittait l’île, seul. Il n’avait pas voulu d’escorte en justifiant qu’il partait comme un pèlerin et qu’il s’en remettait à Dieu pour le bon déroulé de son voyage. Dans ses bagages il n’avait pas oublié de prendre la bague de fiançailles offerte par Astride quelques années auparavant. Il ne l’avait jamais jetée, seulement remisée au fond d’une commode avant de l’oublier, jusqu’à la mort de Lucia.
Son trajet était alambiqué, mais il lui fallait brouiller les pistes. Il accosta en Italie, s’acheta une monture, passa en France, parcourut de nombreuses lieues dans le sud avant de franchir les Pyrénées dans le seul but de contourner Biriatou et son infâme cousin.

Un peu avant la mi-juin, le marquis voyageur arrivait à Irun, non loin d’Hendaye. Là-bas, il prit une chambre dans une auberge et vendit sa monture. Il poursuivrait son chemin à pied pour plus de discrétion. Touchant à son but, Rodrigue prit le temps de prévenir de son arrivée dans une brève missive qu’il fit partir vers Hendaye.



Dans deux jours, après la tombée de la nuit, je serai là.
Personne ne doit avoir vent de ma présence ou même la suspecter.

R.

A la lecture de ce mot, nul n’aurait su dire si c’était là l’annonce de l’arrivée d’un amant ou d’une menace. Rodrigue, lui-même, n’en avait pas la moindre idée.
Toujours est-il qu’il se prépara pour sa dernière étape. Dans sa chambrette il s’installa tranquillement et se mit à raser sa barbe. Il savait qu’Astride le préférait sans et elle ne pouvait voir en ce changement que le signe d’une bonne volonté et la preuve qu’il ne venait pas en ennemi.
Sa toilette achevée, il sortit faire un tour dans les ruelles d’Irun, profitant de ses dernières heures de solitude et de liberté. Bientôt, sa vengeance serait consommée.
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Message par Astride Vellini Dim 18 Fév - 22:26

Si la minie blonde avait eu quelques scrupules en voyant le visage souriant de Lucia alors que son bateau quittait le port, ils laissèrent rapidement place à sa désobligeante indifférence. Après tout, elle ne s'était pas rendu à Giglio afin de se faire des amis, mais bien pour reprendre ce qu'on avait osé lui voler. Un étrange sourire satisfait avait donc prit place sur les lèvres de la Vellini et ce pendant toute la traversée, tandis que son esprit réfléchissait déjà aux mots qu'elle allait coucher sur le vélin une fois revenue sur la terre ferme. Elle aurait pu gagner quelques heures en le rédigeant pendant le voyage, mais elle avait peur qu'une vague ne fasse glisser sa plume et l'oblige à tout réécrire. Le courrier devait être parfait en tous points, il n'était donc pas question qu'une tâche d'encre tombe à un endroit inopiné ou qu'une lettre soit plus grande que les autres. Ainsi donc, dès que son pied eut foulé le sol du continent italien, elle se dirigea vers la première auberge qu'elle vit, et surtout qu'elle connaissait pour y avoir déjà passé quelques nuits. Quelques brouillons trouvèrent l'âtre de la cheminée avant que la lettre parfaite ne soit rédigée et confiée -accompagnée de quelques écus et d'un sourire radieux auquel il était difficile de résister- au capitaine qui l'avait conduite jusqu'ici. Guillerette, elle sautilla dans les ruelles de la ville portuaire jusqu'à la tombée de la nuit. Rien ne la contraignait à reprendre la route pour Hendaye dans l'immédiat. Rodrigue n'y serait pas avant elle de toute façon.

Les jours de voyage passèrent sans que l'étrange sourire ne quittât le visage d'Astride. Ce sourire n'avait rien de semblable à celui qu'elle arborait avant d'avoir éliminé ce qu'elle considérait comme un simple obstacle. Il n'était plus teinté d'innocence et de juvénilité, il semblait faux et malsain. Si la gamine avait bien grandi, il était évident qu'elle ne l'avait pas fait de la meilleure des façons et que plus rien ne serait facile pour elle à partir de maintenant. Au fond, elle savait qu'elle avait fait une erreur en supprimant Lucia. Trop fière pour se lamenter d'avoir fauté, car personne au monde ne pouvait pardonner un tel acte, elle préférait continuer à se mentir à elle même en faisant montre d'une assurance hors du commun. Il était trop tard pour reculer, elle devait aller jusqu'au bout, quelques soient les conséquences. Ce fut donc une toute nouvelle Astride qui reparu enfin à Hendaye dans le courant du mois d'avril. Ses yeux ne se mirent pas à briller en apercevant les premières fleurs du printemps. Elle avait même envie de les piétiner, de faire brûler toutes ces belles fleurs qui l'avaient poussée à l'assassinat. Elle n'en fit pourtant rien, n'ayant pas envie de s'attirer les suspicions de ses gens et encore moins celles de sa soeur qui, d'après les informations obtenues par un François toujours aussi gras et gai, avait donné naissance à une énième fille. Elle ne s'était donc pas trompée en l'écrivant dans sa lettre pour Rodrigue...

Les jours s'écoulèrent lentement sans que personne ne revit la blondinette franchir le seuil du laboratoire dans lequel elle passait pourtant le plus clair de son temps auparavant. Elle écoutait les doléances avec un certain détachement et se contentait de passer dans les ruelles d'Hendaye en faisant des signes de main et des sourires forcés à qui voulait bien les voir. Ce port trop longtemps laissé à l'abandon par celle qui devait en assurer la gestion était devenu comme une priorité, comme s'il était devenu nécessaire pour elle de faire prospérer l'économie du village, lors qu'avant seule la bonne santé de ses habitants l'importait. Chaque jour elle faisait guetter le coursier et le pigeonnier à son domestique, dans l'espoir de recevoir une réponse, quelle qu'elle soit. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle attendait encore, ne sachant plus vraiment elle même si elle avait envie de le revoir ou non après ce qu'elle avait fait.

Puis arriva enfin le moment où Andore débarqua dans son bureau, agitant une lettre avec un grand sourire, persuadé que si elle était si attendue depuis le retour de la Vellini, c'est qu'elle devait contenir une très bonne nouvelle. Non sans forcer son propre sourire, elle remercia celui qui avait ardemment veillé pour obtenir ce précieux document avant de lui faire signe qu'il pouvait s'en aller. Loin de préférence, car elle ne savait pas encore ce que cette lettre contenait et ne savait donc pas encore comment elle allait y réagir. Et puis finalement, à la lecture des quelques lignes, celle qui s'imaginait euphorique il y a de cela quelques mois fut tout bonnement inexpressive car rien ne laissait présager un retour en bon termes. Evidemment, rien non plus ne laissait penser qu'il venait dans le seul but de se venger. C'est pourquoi elle ne pouvait tout simplement pas réagir à ces quelques mots, tout aussi dénués d'émotion qu'elle même en cet instant. Alors elle pencha lentement la tête et s'exécuta, en congédiant séant le seul domestique de la maison, prétextant que pour le remercier d'avoir si vaillamment veillé sur son courrier, elle lui offrait quelques jours de repos bien mérités, qu'elle continuerait de subvenir à ses besoins durant cette période et qu'elle lui ferait parvenir un message dès qu'il devrait revenir.

Ne lui restait plus qu'à attendre deux jours. A la fois interminables et trop courts. A la fois heureux et terrifiants. A la fois pleins d'amour et pleins de haine...
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Message par Rodrigue de Liancy Mer 21 Fév - 22:04

Irun constituait pour Rodrigue le dernier rempart avant Hendaye et un destin embrumé. Le rouquin s’était surpris à aimer déambuler dans cette ville, comme si elle avait été une mère qui l’aurait serré dans ses bras pour le retenir d’aller faire une bêtise. De retour dans sa chambre il avait cherché le sommeil, en vain. Il lui restait à la fois peu et énormément de temps avant de revoir Astride. Le lendemain allait être une journée de repos, le surlendemain, il ne partirait qu’en fin d’après-midi. Cela lui faisait du temps pour envisager plusieurs hypothèses concernant ses retrouvailles avec la Vellini.

En réalité, ces heures furent surtout l’occasion pour lui d’être assailli par le doute. Il avait quitté Giglio avec la ferme intention d’en finir définitivement avec Astride. Pourtant, si près du but, il se demandait si cela avait la moindre utilité. Lucia ne reviendrait pas. Quant à Nerio, il ne semblait pas en danger d’après la lettre d’Astride. La question de l’équilibre mental de la belle blonde entrait aussi en jeu. S’il avait brûlé la lettre dans laquelle elle confirmait sa culpabilité, il se rappelait de chaque mot qui la composaient. Ils l’avaient hanté durant des semaines, et plus il se les remémorait, plus il pensait qu’elle avait perdu la raison. Pouvait-il interrompre la vie d’un être qui ne semblait plus savoir ce qu’il faisait ? En avait-il le droit ?
Malheureusement, cette folie, c’était lui qui l’avait causée. Et qui savait ce qu’elle allait pouvoir faire à l’avenir ? Là était le danger. Pour l’avenir donc, pour Lucia, pour Nerio, pour le principe, une chose était certaine, il regagnerait Giglio après avoir accompli ce pourquoi il était parti.

A moins de mourir avant. La possibilité n’était pas à exclure avec une Astride qui ne semblait plus dotée de toute sa tête. Mais lui-même n’était plus certain d’être tout à fait sain d’esprit. Ses sentiments restaient contradictoires. Dans ses pensées, dans ses rêves, il la haïssait et l’aimait. Et s’il ne pouvait s’empêcher de penser que toute cette histoire ne résultait que de l’amour qu’il ressentait pour elle, parfois il se demandait si Astride n’était tout simplement pas une sorcière. C’était une théorie qui pouvait se tenir, elle l’avait charmé, avait longuement refusé ses avances avant de céder et de le piéger à tout jamais dans ses filets. Quand il avait voulu reprendre sa liberté, elle était venue la lui reprendre de force. Elle connaissait les plantes, leur utilité, comment en faire des poisons, pourquoi pas des philtres ? Au fond, n'était-ce pas ce côté un peu sorcière qui l’avait charmé, sa passion pour la nature, pour les plantes, elle qui semblait être une fleur parmi tant d’autres ?

A présent, il ne savait plus quoi penser. Aussi quand Rodrigue prit le départ, sa seule certitude était qu’il devait mener sa vengeance à bien. Peu importait le moyen, peu importait le temps qu’il mettrait pour cela, peu importait ce qu’il allait devoir faire pour y parvenir, mais il le ferait.
Le Liancy ne marchait pourtant pas bien vite. Dissimulé derrière sa capuche, il allait évidemment paraître suspect à quiconque le croiserait, ce qui le forçait à poser le pied le plus tard possible en Gascogne. S’il arrivait à Hendaye au moment où tous les paysans rentraient chez eux, il ne lui resterait plus qu’à faire demi-tour et repousser son arrivée.

En bon voyageur, il avait bien calculé son coup. Le soleil venait de se coucher quand il posa le pied en Gascogne. Aussitôt ressurgirent les souvenirs de sa première rencontre avec Astride, ici, en Gascogne. Quand Rozenn lui avait demandé de veiller sur sa sœur, cette blondinette muette que personne ne comprenait. Lui avait pris le temps. Bien mal lui en avait pris en fin de compte. Qui aurait cru que bien des années plus tard il reviendrait en Gascogne pour se venger et prendre une vie qui, jadis, lui paraissait si innocente.

Il faisait nuit lorsqu’il arriva auprès de la maison de la Dame d’Hendaye. Personne à l’horizon, tout semblait calme. Rodrigue s’approcha de la porte, retira sa capuche et, de nouveau, hésita. Comment se comporter ? Comment allait-elle réagir en le voyant devant sa porte, imberbe, comme un fiancé qui revient auprès de sa dulcinée après une longue absence ? Elle allait se méfier, sûrement, tout comme lui. Allait-elle être hostile ? Lui savait qu’il ne devait pas l’être, ou en tout cas, ne pas le montrer.

Après deux trois minutes de réflexion et d’hésitation, le marquis laissa son poing s’abattre sur la porte et frappa plusieurs coups. Après cette longue méditation, Rodrigue avait convenu que la seule attitude qui s’imposait était la prudence, car il s’apprêtait à se jeter dans la toile d’une araignée aussi désaxée que lui…
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Message par Astride Vellini Jeu 1 Mar - 22:53

Sa demeure seigneuriale n'avait rien de comparable au château dans lequel elle avait vécu lorsqu'elle était à Giglio. Ce qui n'était pas plus mal cela étant dit, le risque de se perdre dans sa propre maison était pratiquement égal à 0 dans ces conditions. A part la salle de réception qui servait aussi de salle à manger, de salle du trône et d'entrée, il y avait les cuisines, une chambre et une bibliothèque. Il y avait aussi son laboratoire qu'elle avait fait creuser au sous-sol, mais elle en avait condamné l'accès depuis son retour. D'autant qu'il n'était pas envisagé de faire ronquer le rouquin -hinhin- au beau milieu des fioles qu'elle avait utilisées pour élaborer le poison fatidique. Elle n'était pas si cruelle. Elle avait donc passé une bonne journée à vider sa bibliothèque dans des malles jetées en bas des escaliers histoire de libérer la place pour en faire une chambre d'appoint. La blondinette ne recevait jamais personne, et si par hasard ça devait arriver, elle les envoyer dormir dans le cloître de son neveu. Équipé tout confort avec hôte très causant, contrairement à elle. Ainsi occupée à ranger et faire le ménage, elle ne pensait presque plus à la raison pour laquelle elle le faisait. Un simple grand nettoyage d'été, puisqu'il n'y en avait pas eu au printemps.

Le deuxième jour d'attente fut quant à lui interminable. D'abord elle avait du écouter des doléances dont elle se foutait royalement, des histoires de blé, de poules ou encore du départ de la bonasse du coin pour se marier avec un gars de Biriatou. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui foutre qu'une gonzesse se tire chez son beau-frère pour repeupler la montagne hein ? Elle avait bien assez de pécores qui venaient s'installer à Hendaye pour la proximité de la mer et pour son commerce facile pour s'inquiéter d'une femme soit disant belle. Les paysannes n'étaient pas belles de toute façon. Elles avaient toutes la peau noircie par le soleil, les cheveux noirs, les mains usées et des fringues à rendre fou n'importe quel couturier florentin. Ensuite elle avait fait un tour au port pour se tenir informée des transactions. Puis elle avait fini par tourner en rond dans les quelques hectares de forêt qui la séparaient de la civilisation, et qui à fortiori la cachait aussi des envahisseurs même si depuis son arrivée elle avait fait flécher avec précision le chemin d'accès à chez elle. En somme, elle avait tenté de passer une journée comme beaucoup d'autres pour n'éveiller aucun soupçon, mais sans laboratoire, sans Andore et son neveu, force était de constater qu'elle se faisait fondamentalement chier.

Elle avait mis à profit ces heures de promenade forestière pour réfléchir à la meilleure façon de l'accueillir. Voulait-elle réellement le revoir ? Voulait-elle vraiment qu'il l'aime à nouveau ? L'avait-il seulement aimée d'ailleurs ? N'avait-il pas tout simplement profité de sa naïveté de l'époque pour tester ses charmes ? Avait-il prévu dès le départ de ne jamais rester avec elle pour toujours ? Revenait-il avec pour seul objectif de l'éliminer ? Méritait-elle de mourir ainsi alors que tout était de sa faute à lui ? Etait-il encore temps de retourner chez les nones jusqu'à la fin de ses jours dans l'espoir d'être pardonnée ? Avait-elle seulement l'intention d'être pardonnée ? Et elle ? L'aimait-elle ? Ou n'était-ce qu'un caprice ? Etait-ce une bonne chose de revoir celui dont elle avait tué l'épouse ? Etait-il sain qu'ils s'aiment à nouveau ? Avaient-ils le droit de s'aimer à nouveau ? Pourquoi devaient-ils s'aimer de nouveau d'ailleurs ? Pour quelle foutue raison s'était-il tiré ? Pourquoi la forcer à l'aimer pour finalement la lourder ?! Heureusement, le soleil avait fini par tomber si bas qu'elle avait cessé de se poser toutes ces questions sans réponse pour retrouver sa maison et attendre sagement qu'il toque à sa porte, assise sur le siège où elle recevait habituellement les doléances, complètement vide. Si la demeure avait été habitée, ils auraient certainement tous cru qu'il s'agissait d'un élément de décoration. Glauque, mais décoratif.

La seule chose qui la fit légèrement sursauter fut le bruit du poing qui s'écrase contre la porte. Robotique, elle quitta son siège pour que son invité ne reste pas plus longtemps dehors. Son esprit ne s'était toujours pas rempli, elle était semblable à une âme errante n'ayant pas réussi à trouver le chemin vers le Jugement Dernier, probablement parce que la dite âme savait au plus profond d'elle même qu'elle ne passerait pas l'éternité au Paradis et qu'il n'y avait que les tourments éternels de l'Enfer qui l'attendaient si elle quittait ce monde pour le suivant. Elle posa nonchalamment sa main sur la poignée et ce fut à cet instant seulement qu'elle se redressa, droite comme un I, possédée par une énergie et une volonté puisée dans un ailleurs qu'elle même ne connaissait pas, comme si elle n'était plus vraiment maître de son corps et de ses émotions. La petite blonde tira alors vigoureusement la porte et son visage rayonna d'un sourire angélique sans même s'intéresser à la petite attention que Rodrigue avait eu à son égard en faisant sauter sa pilosité faciale. Avec de grands gestes guillerets, telle une marionnette manipulée par une entité invisible, elle l'invita à entrer.

Une fois la porte refermée derrière le rouquin, son sourire qui respirait la crispation toujours vissé sur le visage, elle gesticula de telle sorte à ce qu'il comprenne qu'elle lui demandait s'il avait faim malgré l'heure tardive. Qui diable était cette femme qui vivait maintenant dans le corps de la minie Vellini ?
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Message par Rodrigue de Liancy Ven 2 Mar - 18:34

En entendant la poignée bouger, Rodrigue redressa la tête et attendit. Une poignée de secondes plus tard, il se trouvait face à celle qui avait tué sa femme, mais aussi celle qu’il ne cessait d’aimer. A nouveau des sentiments contradictoires l’assaillirent. Un frisson notamment, mais était-il provoqué par la haine qui l’animait, ou la passion qui le dévorait toujours ? En voyant le beau sourire du diable, le Liancy sourit machinalement. Ce sourire il l’adorait, il l’avait ensorcelé, il l’avait trompé à Giglio. Il l’avait cru bienveillant ce sourire, il était finalement cynique, cruel. Ici, sur le pas de cette porte, il ne savait pas ce qu’il signifiait. De l’amour ? De l’affection ? Un appât pour l’attirer dans un nouveau piège ? Pour le savoir, il devait entrer.

- Bonsoir, fit-il simplement en entrant.

A l’intérieur Rodrigue posa ses maigres bagages et regarda tout autour de lui. Entrer dans la demeure d’Astride lui était étrange. Ils avaient un temps vécu ensemble et ne s’était jamais senti comme un étranger à ses côtés. Ici, le rouquin se sentait comme une anomalie. Il n’avait rien à faire là. Pourtant, quand Astride lui demanda s’il désirait manger, il opina du chef.


- Seulement s’il y a quelque chose de prêt. Sinon ce n’est pas nécessaire de te déranger, je peux attendre demain.

En prenant place sur une chaise, il reprit son état des lieux, s’étonnant presque de voir Astride vivre seule avec autant de facilité. Avait-elle un domestique ? François sortait-il régulièrement de son cloître pour lui rendre visite ? Rodrigue espérait que non, il ne voulait pas tomber nez à nez avec lui sous peine de réduire à néant ses chances de parvenir à son but. Voulant se rassurer, il jeta de nouveau un coup d’oeil à droite et à gauche puis demanda d’un air innocent, presque souriant :

- Tu es vraiment seule ?

Le Liancy s’étonnait d’une chose : il était calme, presque détendu. Alors après avoir longuement regardé la pièce, il se mit à scruter son hôte. Elle était toujours belle, très belle même, néanmoins il lui semblait percevoir une once d’anxiété ou un certain manque de naturel. Cela l’amusait presque, titillait sa détestation et lui donnait un peu plus confiance. Mais l’amour n’était toujours pas loin, et il ne pouvait détourner son regard, son œil restant fixé sur la jolie blonde. A Giglio elle ne lui avait jamais paru dangereuse, ici elle ne le semblait pas plus. Pourtant la mort s’était immiscée entre eux. Après ce moment de silence passé à l’observer tel un chasseur guettant sa proie, il finit par lui demander :

- Tout va bien ici ? Je n’ai pas écrit plus tôt car j’ai été passablement occupé. Mais je suis là, pour un temps indéterminé ou jusqu’à ce que tu me chasses d’ici.

Rodrigue regardait Astride de son air nonchalant, vaguement charmeur. Cette attitude qu’il avait passablement perdue lorsqu’il avait ceint la couronne de marquis de Giglio. Ici il n’était rien, sauf une sorte d’invité qui se cachait au monde. Il se souciait donc peu de son comportement. Après tout il pouvait agir à sa guise, il n’avait de comptes à rendre à personne. Pas même à Dieu. Et surtout pas à Astride et il avait bien l’intention de le lui faire comprendre.
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Message par Astride Vellini Mer 14 Mar - 9:20

En réalité, puisque la blondinette avait du se résoudre à l'abandon d'Andore pour quelques temps, elle ne mangeait guère plus que des fruits et légumes. Généralement agrémentés de tartines de pain afin de ne pas dépérir non plus. En lui proposant quelque chose à manger, elle avait oublié qu'elle n'était pas bonne cuisinière et qu'elle avait tout bonnement repris ses mauvaises habitudes en vivant seule. Qu'importe, lorsqu'il l'avait quittée, elle était ainsi, sans doute ne s'en formaliserait-il pas. De toute façon il allait devoir s'y habituer ou se mettre aux fourneaux s'il restait ici plus d'une nuit ! Elle revint donc chargée d'une miche de pain et d'une corbeille de pommes. Le tout qu'elle déposa sur la table avant de simplement hocher la tête afin de répondre à la question qui lui était posée quant à sa solitude. Elle resta là, debout près de la table, jouant frénétiquement avec les boucles de ses cheveux blonds tout en se balançant légèrement d'avant en arrière. Seule preuve physique qu'elle était extrêmement gênée de se trouver dans une telle situation. C'était une bouteille à la mer qu'elle avait jetée en l'invitant à Hendaye, et comme toutes ces bouteilles, elle pensait qu'elle s'échouerait sur les falaises de Giglio sans jamais être pêchée. Alors pourquoi se trouvait-elle là, près de celui qu'elle avait tenté de récupérer par tous les moyens et qui maintenant la mettait tout simplement mal à l'aise ? Elle ferma les yeux, comme si elle tentait de briser les chaînes psychologiques qui l'entravaient avec la seule force de ses cils. Elle fut cependant tirée de son exercice de reprise de contrôle sur son propre corps par la nouvelle question de son hôte. Stoïque l'espace d'une seconde, comme si son cerveau devait analyser et décrypter la question d'orchestrer la réponse, elle finit par hocher vivement la tête, ses deux pouces en l'air. Puis presque aussitôt sa bouche forma un o parfait tandis qu'elle secouait rapidement ses mains, paumes vers Rodrigue, signe qu'il ne lui viendrait jamais à l'idée de le chasser de chez elle. Bien qu'une infime partie d'elle même en avait peut être cruellement envie.

En attendant de le conduire à la chambre de fortune qu'elle avait préparé pour l'occasion, la Dame d'Hendaye précisa les quelques règles de survie que le marquis allait devoir suivre scrupuleusement s'il tenait à rester discret. Aussi, armée de sa craie et de sa fidèle ardoise, elle lui précisa que les doléances se tenaient le mercredi matin et qu'il ne pourrait sortir sous aucun prétexte pendant environ 2h, car la forêt qui encerclait la maison était traversée par les villageois d'un côté, et par François qui venait l'assister dans sa communication de l'autre. Elle ajouta également que le dimanche, d'autant plus avec les beaux jours, il ne faisait pas bon de se promener dans la forêt car nombre d'hendayais s'y trouvaient pour chasser le lapin ou cueillir de quoi agrémenter leurs repas. Elle termina en indiquant qu'en règle général, mieux valait-il ne pas se promener dans la partie de la forêt qui se trouvait entre la demeure et le village, puisqu'il pouvait arriver que des doléances urgentes ne puissent pas attendre le mercredi. Ce qui lui faisait d'ailleurs songer que, Andore absent, elle allait devoir trouver un moyen de prendre ces doléances tout en étant absente. Puisqu'il était très improbable qu'ils restent enfermés toute la journée dans l'attente d'une hypothétique doléance soit disant urgente. Hum. Elle irait voir le seul lettré du village afin qu'il recueille les doléances de façon épistolaire. Elle irait les récupérer en fin de soirée. Oui. Ce n'était pas trop mal ça comme idée.

Bref ! Le semblant de repas pris, les consignes données, ne restait plus qu'à envoyer le roux au lit car s'il était une chose qui n'avait absolument pas changé chez elle, c'est qu'elle se levait toujours aux aurores. Et les aurores se levaient tôt en juin, pour se coucher fort tard. Autant dire que la minie blonde dormait peu ces derniers temps, réglée comme le coq au milieu de sa basse-cour. Toujours chargée de cette fausse gaieté, quoi qu'elle commençait à se détendre quelque peu, elle sauta de son siège pour prendre Rodrigue par le bras et le traîner jusqu'à sa chambre. La maison n'étant pas grande, ils arrivèrent rapidement devant la porte de ce qui allait être "chez lui" tant qu'il comptait rester ici. De là elle ouvrit la porte et écarta les bras avec son sourire forcé. Si elle avait pu parler, un "tadam" se serait sans aucun doute échappé de sa bouche. Avant de l'abandonner à son sommeil, elle pointa du doigt la porte qui se trouvait juste en face et se pointa elle même de l'autre main. Toute personne normalement constituée ou ayant eu à subir l'astridien au moins une fois comprendrait qu'elle disait simplement qu'il s'agissait de sa propre chambre. Puis elle conclut en simulant un oreiller sous sa tête penchée sur le côté, les yeux fermés, avant de les ouvrir en faisant mine de s'étirer, pour enfin, de ses deux mains, imager deux personnes marchant côte à côte. En somme, elle lui demandait s'il était chaud pour une petite balade matinale dès le lendemain matin. C'était pas mercredi.
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Message par Rodrigue de Liancy Ven 16 Mar - 21:38

On lui avait servi un repas modeste, mais c’était largement suffisant. Durant ce petit casse-croûte, Rodrigue avait l’impression d’avoir été renvoyé quelques années en arrière. Ce temps partagé en concubinage dans la simplicité la plus totale. Pas de domestique, ni de devoirs, ni personne pour leur rappeler ce qu’ils avaient à faire. Ils étaient tous les deux, rien que tous les deux. Il sentait qu’il allait devoir faire à manger s’il ne voulait pas avoir la sensation de passer sa vie à pique-niquer. Après tout, il allait avoir peu d’occasions de sortir et les occupations à l’intérieur risquaient de se montrer vite limitées d’après les explications d’Astride.
Son repas achevé, il fut conduit jusqu’à sa chambre. Elle était bien petite par rapport à ce qu’il avait à Giglio, mais c’était bien suffisant pour dormir. Rodrigue n’avait même pas besoin d’une petite table pour écrire car il n’avait pas l’intention d’envoyer le moindre message à Arambour qui, il n’en avait pas le moindre doute, saurait mater les notables du marquisat.
Tout naturellement le Liancy accepta la proposition de balade du lendemain. Cette promenade allait sûrement encore lui donner cette impression de déjà vu ressentie un peu plus tôt, mais c’était ce qu’il recherchait.

Au moment de se séparer, le rouquin se baissa et déposa un baiser sur la joue de la blonde avant de lui souhaiter une bonne nuit. Une fois seul dans sa chambre, il ouvrit son paquetage, sortit quelques affaires, se déshabilla et se glissa sans plus tarder dans son lit. Malgré le long voyage entamé depuis des semaines, malgré les quelques heures passées sur les chemins aujourd’hui, Rodrigue n’avait pas vraiment sommeil. Plutôt que de fermer l’œil, Rodrigue tourna la tête et fixa la fenêtre, perdu dans ses réflexions.

Pour l’instant, tout allait au mieux. L’Astride qu’il avait retrouvée ne paraissait pas éloignée de celle qu’il avait connue jadis. Même si le Liancy ne s’attendait pas à la retrouver échevelée, les yeux injectés de sang, il était relativement surpris par cette apparente normalité. Astride restait magnifique, charmante, et si on lui avait demandé si elle continuait à lui plaire malgré tout, il ne pourrait que répondre oui. L’amour était toujours là, mais il n’était pas seul. La méfiance était nécessaire, et il ne doutait pas qu’Astride était elle aussi sur ses gardes. Rodrigue finit néanmoins par se dire qu’il était encore trop tôt pour juger de l’attitude de la Vellini. La promenade du lendemain allait déjà être plus riche en information sur leur comportement respectif. Cependant, il ne serait pas vraiment actif. Ne connaissant pas vraiment les lieux, il allait devoir suivre gentiment la blonde. Cette idée avait quelque chose de déplaisant d’autant que ce soir il n’avait pas su enclencher un échange autre que « Tu vas bien ? Oui j’ai faim. Tout le monde est parti ? Oui pour la balade. Bonne nuit ». Après avoir creusé ses méninges, une idée fort lumineuse lui apparut. Oui, cette idée n’était pas mauvaise. Satisfait, il finit par s’endormir, pressé d’être au lendemain.

Tellement pressé que le lendemain, Rodrigue était levé, lavé et habillé avant le lever du jour. Lui qui avait toujours été si difficile à lever, avait acquis à Giglio la capacité à ne plus traîner au lit durant des heures. Avant de quitter sa chambre, il rangea quelques affaires et vérifia qu’il n’avait rien oublié. En bas, personne. Il resta quelques minutes dans la pénombre jusqu’à l’apparition des premiers rayons de soleil et des mèches d’un beau démon aux cheveux blonds.
Se rappelant du repas improvisé de la veille, Rodrigue proposa à Astride de leur préparer quelque chose avant de partir, bien qu’Astride semblait vouloir se débrouiller avec ce qu’il y avait dans la nature. Encore un désavantage pour le Liancy qui ne connaissait que partiellement les plantes que l’on pouvait consommer ou non dans la nature. Astride ne pouvait-elle pas lui faire consommer quelques baies toxiques ? Dans le doute, le rouquin insista aimablement, prétextant qu’il pouvait bien faire ça et que cela ne prendrait que quelques minutes.

Enfin restaurés, prêts à randonner durant des heures s’il le fallait avec ce qu’ils avaient mangé, l’étrange binôme quitta la maison. Tranquillement, ils progressèrent dans la forêt. Tout en avançant, Rodrigue repérait les lieux afin de pouvoir se débrouiller seul à l’avenir s’il le fallait. Enfin ils atteignirent une falaise, offrant une vue splendide sur l’océan. Le vent fouetta le visage du roux, et cette bouffée d’air lui rappela qu’ils n’avaient que peu ou pas échangé depuis qu’ils avaient quitté la maison.

Avec cette nonchalance qui l’avait longuement caractérisé – bien moins après sa prise de pouvoir à Giglio, Rodrigue s’assit et invita Astride à côté de lui. Sans un mot, il plongea la main dans sa petite poche et en sortit une chevalière surmontée d’une pierre de malachite qu’il tendit à Astride.


- Tu t’en rappelles ?

Le borgne marqua une pause, regarda le bijou avec une nostalgie non feinte.

- Je l’avais gardée. Au fond d’une commode, mais je l’avais gardée. Rodrigue hésita un instant, puis reprit, étonnamment sincère. Je crois que si c’était à refaire, je changerais tout.
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Message par Astride Vellini Lun 26 Mar - 18:45

Si seulement elle était capable de faire la grasse matinée. Si seulement c'était possible de ne pas être réveillée dès le premier rayon de soleil. Si seulement le Très Haut ne l'avait pas dotée d'une intuition de poulet sans lui laisser la joie de faire chier le monde entier en chantant haut, fort et faux que "ayé, tout le monde debout, moi je suis levé alors y'a pas de raison que vous dormiez encore bande d'enculés". Toujours est-il que si tout ça avait été possible, elle aurait aimé en profiter ce matin. La veille elle avait proposé avec un certain enthousiasme une petite balade à son hôte mais après une mûre réflexion d'une nuit durant, elle n'avait pas vraiment envie de faire le tour de la forêt et de la falaise avec lui finalement. Comme une mauvaise intuition que ces endroits reculés n'étaient pas du tout fait pour les accueillir tant qu'elle ne s'était pas assurée des véritables intentions du rouquin. Si bien qu'on ne pouvait pas vraiment considérer qu'elle s'était réveillée aux aurores, puisqu'elle n'avait probablement pas vraiment dormi cette nuit. Nuit agitée qui devait en partie expliquer pourquoi, en sus de sa mauvaise intuition, elle avait une furieuse envie de rester sous la couette ce matin là. Femme de parole avant tout, quitte à y laisser ce qui pouvait lui rester de fierté voire de vie, elle avait bel et bien rejoint le salon au petit jour comme convenu, son grand sourire de circonstance parfaitement ancré sur son visage. Si la blondinette n'était pas un poulet par manque de voix, elle devait être une poupée, incapable de parler, toujours la même mine heureuse et surtout une vie qui n'était pas la leur.

Après quelques temps passés à manger un petit déjeuner plus copieux que ce qu'ils auraient pu trouver en forêt, ils avaient finalement rejoint la dite forêt. Là bas comme s'il s'agissait de sa deuxième maison, et surtout d'une maison qu'elle préférait à celle qui la cloisonnait entre quatre murs, la Vellini furetait de bosquets en fleurs avec une gaieté cette fois non feinte. Comme si la seule présence de toute cette végétation lui faisait oublier l'espace d'un instant tous les doutes qu'elle avait eu dans la nuit. Leurs pas finirent par les mener jusqu'à la falaise, là où il ne restait de la flore que quelques fleurs capables de résister aux assauts incessants des vents issus du coeur même de l'océan. Ce retour à un paysage aussi glabre que l'étaient les joues du roux était synonyme d'un retour à la dure réalité pour la minie blonde. D'un oeil peu assuré elle regarda le pied de la falaise, s'imaginant déjà inanimée en contre bas de ce mur de pierre. Un étrange sourire apparut au coin de ses lèvres, qui laissa rapidement place à ce fameux sourire angélique artificiel à l'instant même où Rodrigue l'invitait à s'asseoir auprès de lui.

En tailleur, ses mains posées sur ses jupons pour empêcher qu'ils ne s'envolent, elle le regarda fouiller dans sa poche d'un air intrigué. La jeter en pleine mer depuis le bord de la falaise était-il si évident que cela pour qu'il préfère une autre méthode ? Que diable pouvait-il bien chercher avec tant d'attention si ce n'était une dague pour la poignarder ou une corde pour l'étrangler ? Malgré ces pensées étranges et morbides, son sourire de façade ne laissait rien paraître. La seule chose qui aurait pu trahir ses pensées furent ses deux prunelles d'azur qui s'agrandirent légèrement en voyant paraître la bague qu'elle lui avait offerte. Sans même réfléchir, elle hocha lentement la tête en guise de réponse à la question qui lui était posée, tout en approchant ses petits doigts fins de cet objet qu'elle n'avait pas vu depuis des années. Avant de la toucher, elle se ravisa et récupéra promptement sa main, se souvenant qu'elle, elle n'avait plus la bague censée aller de paire avec celle ci. Elle tapota le bout de ses index d'un air gêné, soit une bouche en cul de poule et un regard vers le haut, tel un enfant qui vient de faire une belle grosse connerie. Une mignonne petite pose qu'elle ne conserva pas bien longtemps, car ce qu'elle venait d'entendre eu un effet très néfaste pour sa jauge de mignonnitude.

Se sachant compulsive, trop compulsive, elle avait énormément travaillé sur elle même afin de ne pas réagir avec excès à toutes les situations désagréables qu'elle pouvait rencontrer. Elle serra donc les dents et son oeil gauche se retrouva mi clos, comme pour cacher la rouge colère qui était en train de s’infiltrer dans ses iris. Les poings aussi serrés que sa bouche était crispée, elle parvint à tirer d'un mouvement robotique l'ardoise et la craie qui ne quittaient que rarement sa besace. Seule son écriture bien moins gracile qu'à l'accoutumée trahissait sans l'ombre d'un doute qu'elle n'était rien de plus qu'un volcan qui pouvait tout aussi bien exploser que retourner dans un profond sommeil millénaire.


« TOuT CHanGeR ? CàD ? »
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Message par Rodrigue de Liancy Mer 28 Mar - 22:01

La bague eut l’effet escompté pendant quelques instants. Une poignée de secondes qui avait suffit à enfin détendre une atmosphère que Rodrigue ne pouvait s’empêcher de trouver pesante. Il ne s’était pas attendu à mieux, mais pour son séjour, il lui semblait nécessaire de dépasser le malaise naturellement installé entre eux. Pour cela, il fallait aussi crever l’abcès. Et dans ce domaine, le rouquin était un artiste, un génie, le roi du jeté de pieds dans le plat. Et là, en l’occurrence, en quelques mots, il s’était jeté dans une marmite gigantesque, au moins jusqu’aux genoux. Le visage d’Astride avait pris une toute autre expression et Rodrigue la connaissait assez bien pour savoir que l’orage ne viendrait pas de l’horizon, mais d’à côté de lui.

Pourtant, il n’en fut rien. Quelques mots griffonnés à la va-vite, mais pas d’esclandre comme elle avait pu en faire jadis. Le courroux était pourtant bien présent, il le sentait et il lui semblait que tout cela ne résultait que d’une méprise. Cherchant à ne pas poursuivre sur la voix du malentendu, Rodrigue jugea qu’il devait prendre son temps, peser ses mots. Son œil capta l’horizon, comme si la formule parfaite allait surgir des flots et venir à lui. Or tout ce qu’il ressentit fut une profonde lassitude. Il en avait assez de cette comédie, de cette vie sans calme. La falaise sur laquelle ils se trouvaient lui rappelaient douloureusement celles de Giglio. Aussi hautes, aussi abruptes, aussi dangereuses. Un mauvais pas et tout était fini. Les douleurs, les souvenirs cruels, l’absence, l’amour déraisonné… Mais il pouvait tout aussi bien la jeter elle-aussi. Elle était frêle, muette, si cri il devait y avoir, personne ne l’entendrait vraiment et qui plus est, ils étaient seuls. Cependant, il était trop tôt. Sa vengeance n’aurait aucune saveur, un sacrifice ne se faisait jamais sans un certain rituel.

Reprenant ses esprits, il tourna la tête vers Astride et lui sourit. Un sourire doux, sincère, teinté d’une certaine mélancolie.


- Quand je parlais de tout changer, je voulais dire, tout changer après notre séparation.

Son sourire s’effaça, la douleur de la culpabilité lui revenant soudainement en mémoire.

- Nous séparer quelques temps aurait été une solution. Mais j’aurais dû revenir, ou même écrire. Je ne l’ai pas fait. Je pensais, visiblement à tort, que tu ne voudrais plus jamais me voir, qu’au fond que je parte ou non t’importait peu.

Rodrigue faisait rouler la bague entre ses doigts effilés. Il avait remarqué le regard jeté par la Vellini sur l’anneau. Qu’elle voulait la voir de plus près. Avec délicatesse, il prit l’une de ses mains et y glissa la bague.

- Je ne m’attendais pas à ce que tu aies encore la tienne. Je n’ai d’ailleurs aucunement le droit de te réprimander pour t’en être débarrassée.

Le Liancy marqua un temps. Il n’avait pas pris beaucoup de risque dans ses déclarations. Ce qu’il s’apprêtait à dire lui était beaucoup plus pénible, et pourtant, ce n’était encore que la stricte vérité. L’abcès n’était toujours pas vidé.

- Quand j’ai reçu la lettre annonçant ton arrivée, j’ai eu un pressentiment. Et lorsque tu es arrivée, j’ai compris. Il m’a fallu plusieurs jours ensuite pour avoir confirmation de ce que je pensais : que je t’aimais toujours. C’est pour ça que je passais moins de temps avec vous, avec toi. Quand j’étais seul avec toi j’étais mal à l’aise…

A mesure qu’il parlait, il reprenait confiance. Il ne mentait pas, et jouer franc jeu, quand bien même la situation était d’une cruauté incroyable pour sa défunte épouse, était la meilleure manière de parvenir à ses fins.

- Elle ne méritait pas d’être trompée. Tu ne méritais pas de n’être qu’une simple maîtresse. Alors ce qui s’est passé était inévitable.

Sa voix n’avait pas tremblé. Ces mots, il les avait répétés dans sa tête bien des fois. Parce qu’il avait fait le mauvais choix un jour, tout ce qu’il avait cru construire s’était effondré comme un château de cartes. Et au fond de lui-même, il savait que le mauvais choix en question n’était que le second. Le premier avait été de la séduire et de faire d’elle un être possessif et capable de tuer par amour, mais ça, évidemment, il ne pouvait pas le lui dire.
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